vendredi 31 octobre 2008

EMYR I : La côte turque et Chypre

Prologue

L’automne vient à peine de remplacer l’été 2007. La nature se décide à baisser un petit peu le thermostat, la brise est douce et un joli voilier vert à l’allure rétro se dégage lentement de la protection de la digue de Turgutreis. Bateau vert, ketch, arrière norvégien, mais c’est un Hans Christian. « Tiens, on dirait Tallequah ». Les jumelles confirment : « C’est Tallequah ». Le canal 16 est activé : « Tallequah, Tallequah, Tallequah for Captain Smith »… Bientôt la voix traînante de Ed « Station calling Tallequah come in » « Tallequah, Tallequah, Tallequah for Captain Smith ». « Captain Smith from Trinidad ?... ».

A bord de Tallequah. Un couple d’amis rencontré cinq ans auparavant à Trinidad : voisins de chantier lorsque Captain Smith se faisait décabosser par Lincoln à la suite de ses aventures guyanaises, voisins de marina à « Crews Inn », la marina de rêve.

Quelques phrases pour expliquer que « Captain Smith » est devenu « Troll » et que les alizés ont fait place à la « brise Perkins » et rendez-vous est pris pour trois jours plus tard après la sortie de Tallequah « test nouvelles voiles ».

Ce sera une longue soirée dans leur nouvelle maison des hauts de Turgutreis, plongeant du haut de la falaise sur les îles environnantes : le nouveau port d’attache d’Ed et Helen, le plus beau coin de leur circumnavigation sans oublier la chaleur traditionnelle du peuple turc. Leur projet de retour aux Etats-Unis au bord de la baie Delaware est bel et bien enterré.

Les récits d’aventures passent d’un côté à l’autre de la table et les nôtres paraissent bien anodins à côté de leur confrontation avec le tsunami de Thaïlande le 26 décembre 2004 dont ils sont sortis miraculés.

Vers la fin de la soirée tombe : "L’année dernière nous avons participé au rallye EMYR qui joint Istanbul à l’Egypte via la Turquie, Chypre, la Syrie, le Liban, et Israël. C’est remarquablement organisé, convivial, passionnant de découvertes etc… "

L’enthousiasme fut tellement communicatif qu'une semaine plus tard nous étions inscrits à la 19ème édition du rallye EMYR prévu pour 2008.

Quelques escapades genevoises, barcelonaises, zurichoises et arlésiennes plus tard, à l’heure où le bonhomme hiver est brûlé sur les places des villes de l’Europe nordique, le printemps et l’équipage reprennent possession d’un Troll assoupi mais dorloté par Berhan et son équipe. C’est un Troll rutilant qui nous accueille à son bord, une bonne bouteille et des pâtisseries orientales marquées d’un « Welcome on board » posés sur la table du carré ; la délicatesse turque.

Troll fait sa petite sortie à terre annuelle suivant une tradition bien ancrée chez le capitaine. Une semaine de décapage, de primer, d’anti-fouling ; de polissage des hélices en bronze non protégées et colonisées par des bernacles, bientôt enduite d’un anti-fouling « spécial hélice » paraît-il miraculeux.

Une semaine plus tard un Troll flambant neuf, suspendu sous son « travel-lift » traverse le chantier vers la darse de mise à l’eau en se faufilant au milieu des bateaux admiratifs « Ah, si seulement il pouvait être mon amant » susurre une jolie goélette.




C'est parti pour 2008

Le Rallye



De Turgutreis à Alanya


"Dear EMYR sailors and representatives, 8 EMYR boats left Atakoy Marina in Istanbul on 22d April 2008 early in the morning…" Ca y est le Rallye EMYR 2008 est lancé. Dans dix jours, le 2 mai, la petite armada atteindra la marina de Turgutreis où Troll l’attend sagement.

Créé en 1990, EMYR, le « Eastern Mediterranean Yacht Rally », vit donc sa 19ème édition. C’est un évènement nautique international et cette année 15 nations sont représentées. Son objectif est de permettre aux navigateurs l’accès aux ports de l’est de la Méditerranée, et, par là même de promouvoir la plaisance dans ces régions ou pays (est de la Turquie, Chypre nord, Syrie, Liban, Israël, Egypte), connaître les cultures de ces régions et nouer des liens avec leurs autorités.

Le nombre de bateaux est limité à 80 et leur taille doit être comprise entre 10 et 18m qu’ils soient à voile ou à moteur.

Cette année, Troll se retrouvera tout seul dans sa catégorie MY - « Motor Yacht ».

C’est un rallye organisé pour des navigateurs amateurs par des navigateurs amateurs et entièrement basé sur le bénévolat.

Les présentations sont faites et il ne reste plus qu’à attendre. Dans l’après-midi du 2 mai la petite flottille qui compte maintenant 14 membres (le nombre magique de 80 ne sera atteint qu’à Kemer), après six étapes et un coup de vent à 50 nœuds essuyé à la sortie des Dardanelles, fait son entrée dans le port de Turgutreis et salue Troll son nouveau compagnon qui, à l’unisson, a sorti son grand-pavois.

Le personnage est bourru, peu communicatif ; à peine un regard, à peine un bonjour en réponse à « Bonjour, notre bateau Troll fait partie de votre groupe 6 et nous vous rejoignons ici à Turgutreis. » « Jour ! ». C’est Jean-Claude, chef du groupe 6, notre groupe qui compte une douzaine de bateaux, les plus gros du rallye, avec sa femme Marlène, à bord d’Anthea, un Ovni 455. Et bien avec un tel caractère, ça promet ! Mais ce n’était qu’une fausse impression : une grande carcasse et un esprit bourru. Jean-Claude, est un Valaisan bon teint une sorte de Coluche de Monthey. Son franc parlé, ses expressions inattendues et imagées, toujours percutantes, maintiendront une formidable ambiance dans le groupe pendant tout le rallye. Dès notre arrivée, il nous décrit quelques participants. « Tu vois, celui-là, c’est un Suisse allemand, sympa comme on les aime. » ou bien, «Méfie-toi de celle-là, elle est pénible, c’est une vraie machine à griffer. » Toujours disponible, grand organisateur, il est à la disposition de chacun. Les langues anglaise et allemande se voient, comme la française enluminées par son accent valaisan aux consonances québécoises.

Première soirée du rallye pour Troll: le cocktail de bienvenue prévu au programme et offert par la Marina est remplacé par un buffet canadien. La marina ne veut apparemment plus voir le rallye passer chez elle. Ce sera la seule exception de tout le rallye ; le seul quack. C’est aussi la première réunion de skippers pour organiser la navigation du lendemain : heures de départ et ordre d’entrée dans la prochaine marina, météo présentée par Dick, waypoints, fréquences VHF etc. ; tout est programmé, planifié. David - " Dave " - anime la réunion avec un sens de l’humour british bien senti.

Deborah - « Debbie » - originaire du Kentucky, à bord de Nanette, un Brewer 42 - avec son mari Thomas - « Tom » - lance une opération PMU à l’occasion du derby annuel du Kentucky, un évènement hippique parait-il très prisé aux Etats-Unis. Notre cheval, un tocard côté à 50 contre 1 arrivera bon dernier et nous ne gagnerons pas la bouteille de Jack Daniel. Comme quoi il n’y a pas que des poulets frits au Kentucky. Didier et Chantal fraîchement débarqués de Genève découvrent ce petit monde de retraités qui a choisi de vivre une grande partie de l’année sur leur bateau une éternelle aventure loin des ronrons du quotidien.


Dans les "starting blocks" à Turgutreis

Il est 6.00 am, Troll s’ébroue. Les « marineros » virevoltent sur leurs annexes et larguent les mouillages. Troll découvre ses 14 nouveaux camarades qui regardent à peine cet handicapé qui n’a même pas de voiles. Les étraves pointent vers le fond du golfe d’Hisaronü, vers la marina Marti à Oranyie. Navigation le long de la côte carienne entre Bodrum et l’île grecque de Cos puis, après le passage du Cap Krio, Troll plonge le long de l’île de Symi dont on entrevoit le port « portofinesque » réminiscence de l’occupation italienne. Derrière le Cap Krio, Cnide se découvre, austère. Une brise « meltémienne » du nord de 10 à 15 nœuds pousse nos compagnons qui, pour l’occasion ont sorti toute leur garde-robe bigarrée. Troll se contente de son habituelle « brise Perkins » fidèle au poste 24 heures sur 24. Au fond du golfe, le ventilateur passe en position 2 et c’est avec 20 à 25 nœuds de vent de travers que Troll se faufile entre deux compagnons de quai qui font le dos rond.


Le cap Cryo: premier départ matinal



Panne de machines? Tempête? ou les deux...


A hisser le grand pavois!

Chez Marti

La Marina Marti réserve aux membres du rallye un superbe accueil : magnifique buffet fort arrosé de vins divers offerts en dégustation ; orchestre tombé d’un écran viscontien avec violoniste, vieux saltimbanque de « Mort à Venise », au sourire goguenard sous les applaudissements multinationaux. Les accents américains, néo-zélandais et australiens se mélangent. On fait connaissance. On danse.

La soirée fut longue et la nuit courte. Les amarres sont larguées à 6.00 car 75 milles sont à courir jusqu’à la marina de Göçek : le rythme intense du rallye prend ses marques.


Orhanie




Comme d’habitude tôt le matin le vent est absent et la mer lisse comme un miroir. Le ciel est clair et lumineux. La mer Egée fait place à la Méditerranée et la côte Lycienne remplace la côte Carienne, sur un fond de Taurus tout enneigé. Vers le large, Rhodes imposante se découvre. La côte s’entrouvre, c’est le golfe de Fethyie. Blotti dans le coin nord ouest du golfe, c’est Göçek au cœur d’un écrin naturel superbe : une rade protégée par 12 îles entourée de hautes collines couvertes de pinèdes.

Et Troll se dit en voyant la marina de luxe de Port Göcek : du beau monde, voilà qui me sied à merveille. Et pour faire bonne figure, le dîner à bord sera de grand style : côtelettes d’agneau, ratatouille de fèves et de fonds d’artichauts, Gruyère et Vacherin de Fribourg le tout arrosé d’un Château Fourcas-Dupré (Listrac-Médoc) 1996.


Goçek

Pot-pot-pot-pot ronronne le diesel de la barque pointue devant, pointue derrière inchangée depuis sa lointaine ancêtre grecque. Pendant des siècles le Koycegiz a vu passer ces mêmes embarcations dont les avirons ont fait place à la mécanique hoquetante et les chargements de sel et de salaisons de poissons aux alignements de touristes. Ces barques, nombreuses, sillonnent en tout sens un décor d’eau entre des îles de roseaux, paysage lacustre bordé de falaises abruptes et rougeâtres qui défilent sur notre bord, percées de tombeaux rupestres, façades de temples aux frontons sculptés. Car quand on naît Lycien et de bonne famille, il est de bon ton d’afficher sa réussite à travers un caveau de famille un petit peu plus grand, un petit peu plus beau que celui du voisin. Mais le temps remet les choses en place et quand le caveau est plein, 3 ou 4 générations plus tard, alors on fait le ménage, on jette ces vieux os encombrants, place aux jeunes en quelque sorte.


Caunos


Caveaux de famille Lyciens




Vers son embouchure le Koycegiz vient se dissoudre dans la splendide plage de sable fin d’Iztuzu où les tortues caretta viennent déposer leurs œufs.

Eaux mortes, marais, roseaux tous les ingrédients étaient réunis pour engendrer la malaria et la cité de Caunos avait une forte réputation d’insalubrité. Stratonicos, un harpiste comique du IVème siècle avant JC ironisait : « La cité de Caunos ne peut pas être malsaine puisque même les morts déambulent dans les rues ! ».


Parasols en attendant les tortues Caretta



D'autres mammifères visitent Caunos

Paradoxe : la présence d’une antique station thermale et ses bains de boues toujours en activité. Quelques navigateurs trempent dans une des piscines noirâtres et sortent méconnaissables dans leur gangue poisseuse.



Göçek a eu la grande chance d’être découvert par les promoteurs bien après la péninsule de Bodrum dont le massacre urbanistique a fait frissonner les communes du golfe de Fethyie : « Pas de ça chez nous ! » Il en résulte aujourd’hui un univers haut de gamme fait de maisons individuelles dispersées dans la pinède et parfaitement intégrées dans le paysage. Ces résidences secondaires sont pour la plupart propriétés de la bonne bourgeoisie nantie istanbuliote et l’environnement le reflète : pas de voitures dans le village, pas de bruit, pas de discos. Une ambiance feutrée.


Göçek/Port-Grimaud

L’armada compte maintenant une soixantaine de vaisseaux et Troll commence à découvrir les bienfaits d’appartenir au groupe 6 , au groupe des « gros bateaux », au groupe des « bateaux rapides » ce qui ne l’empêchera pas bien souvent de naviguer le pied sur la pédale de frein pour ne pas vexer ses petits camarades véliques. Un magnifique avantage de ce groupe des « maxis » est le départ tardif pour une arrivée en premier après avoir remonté toute la flotte. Qui dit départ tardif, dit plus de sommeil. Qui dit arrivée en premier, dit entrée directe au port et presque sans attente.

Et ce matin-là à Göçek, la grasse matinée prévoit un départ à 6.00. C’est quand même mieux que le départ à 4.00 des petits bateaux. Non ?


En route pour Kekova



Il est 11.00 et comme à chaque heure ronde le capitaine descend inspecter la salle des machines et - oh, horreur- à bâbord une véritable chute du Niagara sort du chauffe-eau fissuré. La pompe de circulation d’eau est coupée, le flot s’arrête : 400 litres d’eau douce sont déjà partis dans les fonds et évacués par la pompe de cale automatique. La partie eau chaude est placée hors circuit. Didier, dont la mission consiste à contrôler le bon fonctionnement de la réparation, est aspergé de la tête aux pieds, une dernière douche d’eau chaude avant réparation. L’équipage se contentera d’eau froide jusqu’à l’approvisionnement d’un nouveau chauffe-eau. Ca ne sera certainement pas lors de la prochaine étape à Kekova, plus connu pour ses vestiges Lyciens que pour ses fabricants ou magasins de matériel nautique.


Mouillage à Kekova



Kekova, c’est pour les amateurs d’histoire et d’archéologie un formidable livre ouvert couvrant trois mille années d’occupations successives : Lyciens, Grecs, pirates barbaresques, Byzantins, Arabes. Kekova, pour les navigateurs, c’est aussi un magnifique abri, un extraordinaire port naturel. Ceci explique cela.

Au milieu d’un dédale de petits îlots et de rochers, le lagon intérieur se découvre peu à peu. Le ciel est orageux et libère quelques gouttes.

Bientôt, face au petit port d’Uçagiz, la soixantaine de bateaux EMYR occupent une bonne partie du plan d’eau. Quelques pontons en épis face aux restaurants qui vantent « la meilleure soupe de poissons de Méditerranée » ou encore mieux « La meilleure cuisine de Turquie ». La saison est courte et tous les appâts sont bons.

Un pot improvisé sur le parking du village permet aux différents équipages de faire d’avantage connaissance : des contacts s’établissent, les affinités se rapprochent, des amitiés s’ébauchent. Dave un des organisateurs du rallye, sans doute enhardi par quelques verres, monte sur une terrasse pour haranguer les hardis navigateurs : « EMYR compte cette année beaucoup de bateaux américains : 19 ! Soit environ 60 citoyens américains. Y en-a-t-il un qui a voté pour G.W. Bush ??? » Un bras se lève suivi de « Ouh ! Ouh ! Ouh ! ». Fin de l’épisode politique EMYR 2008.

Un chemin raide serpente entre les maisons ottomanes du village de Kalekoy, aujourd’hui pimpantes grâce à la manne touristique. La chaleur est déjà pesante en ce début mai. Au bout du sentier c’est la récompense : une exceptionnelle vue depuis la citadelle assis en haut des gradins du théâtre grec creusé dans la roche. D’un côté une succession de baies et d’îles, de l’autre un impressionnant cimetière lycien : des dizaines de sarcophages parsemés au milieu de garrigue et d’oliviers, sortes de bateaux de calcaire échoués quille en l’air.




Les nefs de pierre ne flottent que sur le Styx





Autour de l’an mil, un énorme séisme secoue la région de Kekova et le sol s’affaisse d’environ deux mètres : la petite ville byzantine est engloutie. Aujourd’hui, du pont du bateau, on contemple les vestiges de la ville pour moitié accrochés aux flancs de l’île de Kekova, pour moitié sous les eaux transparentes. Des escaliers qui ne mènent nulle part, des maisons coupées en deux, une partie sur la rive une partie au fond de l’eau, des quais, des murs et encore d’autres escaliers immergés qui ondulent dans la lumière bleutée des fonds. Sur la plage qui borde la minuscule baie de Tersane se dressent les restes vacillants de la nef d’une basilique byzantine (Il y a 30 ans, lors de notre premier passage à Kekova à bord de notre petit voilier de 8 mètres, la nef était presque intacte). Sous les flots, les soubassements du corps de la basilique se laissent deviner tandis que les gulets se succèdent en file indienne pour permettre la réalisation de millions de photos identiques du même pan de mur immergé.


Il y a mille an la ville plongea dans la mer

Petit à petit la baie de Kekova se vide sous les yeux du groupe 6 qui prend son temps. Il est midi, c’est le moment de lever l’ancre. Autre nouveauté du jour : c’est l’étape la plus courte du rallye, 18 milles. Avec cinq nœuds de vent l’armada se déhale au moteur et Troll crie « copieurs ! ». Et bien sûr Eole se réveille juste quand il ne faut pas, lors des manœuvres d’amarrage dans la marina de Finike. Vingt nœuds de vent de travers dans un port encombré. Les marineros assistent avec leurs annexes le propulseur d’étrave qui découvre ici ses limites ventées.


Cap sur Finike


A Finike



Dès notre arrivée surgit le chef des services techniques de la marina de Finike prévenu de notre avarie de chauffe-eau. Prise de cotes d’encombrement, épluchage de catalogues, et une demi-heure plus tard un nouveau chauffe-eau est trouvé à Istanbul et commandé pour une expédition à Kemer, notre prochaine étape. Une fois de plus l’efficacité et la serviabilité turques.

La mécanique et la plomberie font vite place à la culture. Le rythme du rallye se maintint et ce fut une rude journée. Vraiment rude. Tout commença par la visite de Myra, son théâtre romain et ses sépultures trogloditiques - les plus belles de Lycie - façades taillées dans la falaise et imitant des constructions en bois. Puis ce fut la basilique Saint Nicolas au milieu du gros bourg de Demre appelé aujourd’hui Kale. St Nicolas, Sant Niklaus, patron de la Sainte Russie et ça ne passe pas inaperçu. Toutes les indications et publicités touristiques sont en caractères cyrilliques, les boutiques de souvenirs regorgent de fausses icônes débordant d’or qui font craquer les hordes venues de l’est et déversées par les cars dans les rues autour de la basilique. Les « dobridien » et « spassiba » fusent. Après 70 années athées, nos amis de l’est éprouvent un sérieux manque religieux. Et le maire de Kale ne s’est pas trompé. Cette nouvelle vague du tourisme doit être choyée : alors déboulonnons cette statue du saint qui trône sur la Grand-Place depuis le Moyen-âge. Un St Nicolas/père Noël en plastique ça sera tellement tendance… Quant à St Nicolas, le vrai, ses ossements furent vendus par des marchands italiens au XIème siècle à l’évêché de Bari. Comme quoi le business touristico-religieux ça n’est pas nouveau. Aujourd’hui les pèlerins continuent de se recueillir devant un sarcophage vide. Seule la foi sauve. (Concernant le trafic des vraies et fausses reliques au Moyen-âge, lire « Baudolino » de Umberto Eco).

Les nourritures spirituelles font alors place aux nourritures terrestres.

La route serpente le long du torrent Arycandos. Un chemin de pierres plonge vers ses rives. Sous l’ombrage d’arbres feuillus, les pieds dans l’eau vive, un restaurant régale de succulentes truites accompagnées de mezze et de ce pain ottoman tout chaud qui fleure bon le feu de bois. Le maître boulanger en extrait devant nous quatre des flammes vives d’un four sans âge.

Si vous voulez accélérer la digestion, nous vous recommandons la visite de l’extraordinaire site d’Arycanda. Dans un décor montagneux exceptionnel, cette ville des premiers siècles avant notre ère est dans un superbe état de conservation ce qui permet de l’imaginer en pleine activité. Après avoir été lycienne, perse et rhodienne la cité devint un lieu de villégiature pour les Romains nantis de Phœnicus (Finike) qui venaient y chercher la fraîcheur de l’altitude et ses torrents. Tout est là, accroché aux flancs de la montagne : thermes, agora, stade et un théâtre face à la vallée et prêt à accueillir le prochain spectacle. On est presque surpris de ne rencontrer aucun Romain en toge en train de papoter aux carrefours.

L’après-midi avance, la fatigue aussi. La climatisation bienfaitrice des bus nous délasse. Le cap est mis sur Finike. Sur la fin du parcours, le petit convoi traverse Lymira, la capitale de Périclès, roi de Lycie et le guide pose la question « Voulez-vous que nous nous arrêtions pour une visite ? » Un unanime « Non ! Stop ! Pitié ! » fuse des rangées du bus. Les navigateurs épuisés veulent retrouver leur « home, sweet home » flottant.


Myra: le théâtre romain


A travers les siècles, les acteurs se succèdent

sur la scène du théâtre de Myra.

Derniers en date: Guçin et Tom




Dobridien!


La basilique St-Nicolas





"Un petit souvenir avant de partir?"

"Niet, Spassiba!"


Au bord des truites...


"Lutfen, dört ekmek!"


Arycanda





Petite halte "çai" pour retaper les troupes

Oui ce fut une rude journée ! Mais pourquoi dire « fut » ? Ce n’est pas fini (ke) ! A peine une demi heure à bord, le temps d’une mini douche et voilà c’est reparti sur le quai pour un cocktail, discours, remises de médailles, félicitations « les meilleurs marineros de Méditerranée etc. » et remerciements multiples, applaudissements, ambiance festive, sarap rouge et mezze.

Alors le lendemain ? Une petite récupération au fond de la couchette ? Que nenni ! Départ 7 heures ! Larmes émues pour les autres bateaux qui sont déjà partis dès cinq heures encouragés par le chant du muezzin. La distance est pourtant courte jusqu’à Kemer - 42 milles - mais la rentrée des 60 bateaux dans la petite marina promet d’être acrobatique, un exploit qui ne sera battu qu’à Haïfa, alors un petit peu de marge n’est pas superflue.


En route vers Kemer

Troll file à sa vitesse de croisière normale - 7.5 à 8 nœuds - et , très en avance sur le programme vient s’ancrer sous le cap Küçük. Deux heures plus tôt, sous le cap Taslik, le Neo-Z Rumpus à l’équipage de vrais voileux avait passé Troll au près à plus de 8 nœuds. Ah, nostalgie quand tu nous tiens.

Sagement, à l’ancre, Troll attend son tour. Cette fois l’ordre est inversé car il faut commencer par entasser les petits au fond du port. Au bout de la jetée, Dave fait l’appel. Et vers la fin de l’après-midi retentit dans la VHF le libérateur « Troll, right after the blue gulet ! ». Troll se colle aux fesses de la grosse goélette bleue. Ca y est nous sommes amarrés à Kemer.


A Kemer

« Han ! Han ! Han ! » « Hourah! » « Bravo! » Les halètements de l’effort se mêlent aux cris d’enthousiasme. Les 19ème Olympiades de Kemer sont en pleine action. S’y affrontent les « athlètes » d’EMYR car tout le monde ne peut pas être sélectionné pour les jeux de Pékin. Tous muscles déployés, la « seconde » de Troll résiste, arque boutée, tirant sur la corde pour faire céder le groupe 5. Ah, si seulement Jan l’équipier géant de Sansipap, un Suédois de 2.10 m et 150kg, n’avait pas fait la grâce matinée, la médaille d’or était dans la poche. Heureusement il y a les autres disciplines pour sauver l’honneur : le lancer d’œuf où René le gentil Bâlois excelle, la course à la brouette sans oublier la course au yogourt, la discipline reine des jeux. Au début sur la réserve, tout le monde se prend vite au jeu, l’ambiance est bon enfant et les éclats de rire fusent.


Les XIXème olympiades de Kemer





Le mécano de la marina livre le nouvel appareil arrivé d’Istanbul et, mesure, remesure, re-remesure les cotes nécessaires à la réalisation de la pièce d’adaptation, une pièce très compliquée: un méplat en alu avec 4 perçages. Et bien si, la pièce high-tech revint de l’atelier … fausse, repartit à l’atelier et revint … fausse. A la troisième tentative les entraxes des trous étaient corrects et quatre raccordements de plomberie plus tard l’eau chaude enchantait à nouveau les douches. Et, miracle, le capitaine resta calme.

Une petite recette post-panne : si vous voulez économiser l’eau à bord, coupez l’eau chaude. C’est très efficace.

Soirée de gala au Turquiz Palace avec tous les participants EMYR maintenant au complet, 80 bateaux, 250 équipiers en grande tenue : veston, cravate et même quelques smokings pour les messieurs, robes très habillées pour les dames. Mais où peuvent-elles ranger toutes ces tenues sur un bateau de 10 mètres ? Les tables magnifiquement décorées sont dressées sur la plage-terrasse de l’hôtel propriétaire de la marina, chacune entourée de chaises enrubannées de satin blanc. L’ambiance est encore une fois très chaude et Jean-Claude/Coluche entraîne notre table dans une série de fou-rires. Les danses s’enchaînent interrompues par la traditionnelle cérémonie des drapeaux ou autres remises de plaques commémoratives EMYR 2008. Hasan, le grand organisateur-fondateur du rallye est maintenant parmi nous et prend le commandement de la petite flotte.


Soirée de gala à Kemer






Avant le départ, traditionnelle réunion des skippers et cette fois-ci le groupe est au complet. Trois nouveaux arrivants nous rejoignent à Kemer : Indigo avec Gus et Carol de Chicago assistés de Dick et Leslie: les amis de Tallequah de Turgutreis ; L’Ecossais Tiketiboo avec Alan et Sue ; Giovanita descendue des montagnes helvétiques d’outre-Sarine avec à bord Hans, Anita, Giovanni et Regula. Après les présentations, à l’ordre du jour : la situation politique au Liban et la menace de guerre civile qui rend incertaine l’étape de Beyrouth. Eric est en ce moment à Beyrouth sans possibilité de rentrer en France : aéroport fermé, activité portuaire interrompue…

Les réveils sonnent une fois encore avant l’appel du muezzin. Il est cinq heures, Kemer s’éveille… En route pour la traversée du golfe d’Antalya, cap sur Alanya.


Cap sur Alanya

Le puissant massif du Taurus défile sur notre bâbord pour disparaître peu à peu sous de lourds nuages. L’horizon se frange d’orages. Troll, dessalé par quelques belles ondées se secoue, ravi du soleil bientôt retrouvé. Le promontoire d’Alanya sort de l’horizon pour revêtir quelques milles plus tard son immense couronne de pierres seldjoukides.



La marina d’Alanya est encore en gestation et ses jetées attendent encore pontons, eau, électricité et locaux de services en un mot une gestion. Hasan, l’organisateur du rallye se démène depuis plusieurs années pour faire progresser les travaux et faire de cet actuel no man’s land une pimpante marina comme il a réalisé 20 ans plus tôt à Kemer. La venue annuelle du rallye est un argument de poids auprès de la municipalité pour faire avancer le projet. Il est vraiment temps que cette marina se termine : le pittoresque vieux port, au pied de la citadelle, est aujourd’hui envahi par les « gulets » qui ne laissent pas la moindre place aux plaisanciers et réduisent les pêcheurs à la portion congrue.


Une presque-marina...

Le soir, sur le quai de la presque marina, au milieu de quelques chiens errants, et sous la protection de la police, Jean-Claude organise un dîner-buffet canadien : chaque équipage fait phosphorer son imagination culinaire. Miracle, Enrique le skipper du bateau espagnol « Silent Wings » a pêché cet après-midi une dorade coryphène de 1.3 mètre qui finit en tranches grillées sur « la plancha electrica » alimentée par le générateur d’Anthea : un délice !


Une coryphéne débitée



Il y a dix ans Alanya était encore une petite ville endormie aujourd’hui bien réveillée et bouleversée par un tourisme galopant. Les Allemands puis les Russes ont envahi les lieux prenant le relai de l’habituelle litanie de la région : Grecs, Ciliciens, Romains, Byzantins, Turcs Seldjoukides.

A l’époque romaine Cléopâtre se fait offrir la ville par son amant du moment Marc-Antoine. Un cadeau avec un goût d’arrière-pensée : les forêts derrière la ville fourniraient tout le bois nécessaire à la construction de sa flotte de guerre. « Chérie, tu veux un manteau de vison ? » « Non ! Du bois pour mes bateaux ! ».

Dominant le port, la tour orthogonale rouge et surtout la gigantesque citadelle qui ceint le promontoire rocheux, rappellent la période des Seldjoukides qui voulaient régner sur toute cette côte méditerranéenne et aussi se débarrasser des redoutables pirates barbaresques, ce fléau de Pamphylie.


Alanya





Didier et Chantal ont un souci. Le rallye a un accord tacite avec les autorités turques qui fermeront les yeux lorsque la flottille quittera la Turquie pour rejoindre les eaux de Chypre nord puis reviendra de Chypre en Turquie. Pas besoin d’effectuer les fastidieuses et longues formalités de sortie puis de rentrée. Mais, un équipier qui quitte le rallye à Chypre se retrouve ainsi sans visa de sortie de Turquie sur son passeport avec à l’horizon de beaux ennuis administratifs et policiers lors d’un futur voyage dans ce pays. Là, je sens qu’il en a un au fond de la classe qui ne suit pas… Une seule solution pour Didier et Chantal : quitter le rallye en Turquie et rejoindre Chypre par leurs propres moyens. Ferry ou avion ? La solution ferry est vite abandonnée : 6 heures de bus jusqu’à Tasucu, port des ferries vers Chypre, suivies d’une moitié de nuit de ferry surnommé le « Vomit Express » par Dave, Chypriote d’adoption. Les billets d’avion sont réservés par Internet et un policier de la « presque-marina » se charge de réserver un taxi, négocie le prix de la course et se porte garant de sa venue. Et croyez-moi il n’est pas du tout conseillé de chercher à tromper un policier en Turquie. C’est sûr, le taxi viendra et il est venu ! Je résume pour les cancres : un tampon dans un passeport = 70km de taxi + un vol Alanya-Chypre + 2 nuits à l’hôtel.

Donc un conseil aux futurs participants au rallye : pas de changement d’équipiers à Chypre !

Pour l’étape d’Alanya, nous avons déjà décrit la « presque future marina » et la partie culturelle. Pas de partie officielle ? Mais si, mais si !

Il y eut un cocktail sur une terrasse dominant le vieux port, un dîner au bord de l’eau avec discours, remerciements, félicitations, cérémonie des drapeaux, des danses, et la danse de Cimen le père de Gulchin avec le maire de la ville, mouchoir au bout des doigts, pendant que sa femme Engin dansait ravie avec Tom surnommé Fred Astaire. Encore une magnifique soirée qui présentait pour les noctambules l’avantage d’un entrainement pour la nuit suivante qui de toute manière sera blanche.

En ce début d’après-midi, les amarres de Troll sont larguées ou presque. En réalité nous le déhalons le long du quai pour le sortir de sa gangue de détritus accumulés au fond de ce port « future-presque-marina ». Pas question d’aspirer dans les circuits de refroidissement des moteurs des sacs plastiques ou une vieille chaussure.


Cap sur Chypre

Chypre Nord


Les eaux sont claires : cap sur Chypre nord ! Cap sur un non-pays. Car en fait Chypre nord n’existe pas : aucun pays, à part la Turquie, n’a reconnu cet Etat créé en 1983 à la suite de l’intervention de l’armée turque en 1974. Aucun échange commercial avec le monde extérieur si ce n’est via la Turquie ; aucun vol direct vers aucun pays. Tout transite par la Turquie et 90 % des touristes qui visitent l’île restent du côté grec.

Cap sur Chypre nord ! Nous verrons bien au bout de 110 milles si ce pays existe ou non.

Nuit méditerranéenne calme et sans un souffle. 80 bateaux se déhalent au moteur.


Kyrenia

Le château de Kyrenia se teinte d’ocre et de rose sous les premiers rayons d’un soleil encore timide. L’ancre plonge dans l’avant port de la marina Delta. Troll est en « stand by » et attend les instructions. « Come in Troll, your berth is along the fuel station pontoon » C’est sans doute l’humour british de Dave : un bateau à moteur ça se place au ponton de fuel. !

Didier et Chantal sont sur le ponton avec « armes et bagages » prêts à rembarquer après leur intermède aérien.

Chypre nord ou la machine à remonter le temps. Depuis 1974 les pendules ont ici ralenti. Trois décennies d’isolement commercial et diplomatique l’ont figé dans une époque. Se balader sur le quai de la marina Delta est une cure de jouvence : les années 1970, le début de nos croisières. Sur les bers, des Rival 34, Moody ou autres Twister tous de bonne facture d’outre manche - un siècle d’occupation britannique ça marque - se penchent condescendant vers les pontons où s’aligne la flotte EMYR tout grand-pavois au vent : « My dear, quels vilains bateaux ! On dirait des lavabos en plastique, de mon temps… »


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Le ponton du fuel de la marina Delta


Si les vestiges romains, byzantins, croisés et ottomans sont bien présents, la dernière couche british est omniprésente: circulation à gauche, cabines téléphoniques rouges comme les tuniques de Wellington à Waterloo. Ces vieux (« Non, mais tu t’es regardé ! ») retraités fuyant les brumes de Liverpool ou de Manchester en dépensant leurs Sterlings dans un pays encore de cocagne ou également ces hôtes de l’hôtel Dome, cet ancien rendez-vous de la colonie, où susurrent au bar du pub des personnages, très anciens officiers de l’armée des Indes, illustration vivante et décalée de cette vie « soft » de l’occupant complètement inconscient de la réalité de l’Enosis, période si bien décrite par Laurence Durrel dans « Citrons acides ».


Kyrenia





Autour du vieux port de Kyrenia - rebaptisé Girne par les Turcs - mais tout le monde continue à appeler Kyrenia - s’alignent les bistros racoleurs qui pendant des siècles furent les entrepôts du commerce levantin. Mais, pour l’immersion coloniale, rien ne vaut le restaurant Niazi fief d’habitués qui ne se sont jamais vraiment remis de leur retour dans la grande île et sont revenus passer « leur automne » sur la petite.

Quand on occupe une île pendant un siècle ça laisse des traces mais que dire d’une occupation de trois siècles ?

En 1191 Richard Cœur de Lion s’empare de Chypre un petit peu par hasard. En route pour Jérusalem lors de la 3ème croisade, prise dans une très forte tempête, sa flotte se réfugie dans la baie de Limassol. Comme il faut occuper les troupes : sus aux Byzantins ! Et, avant que le vent ne tombe Chypre était aux mains des Francs. Richard fit immédiatement don de l’île aux templiers dont la douceur légendaire fit merveille : les habitants excédés les « jetèrent à la mer » bien vite. Richard la donne alors à son vieux copain du Poitou Guy de Lusignan, un copain pas très doué, piètre politique, mauvais soldat mais bien sympa quand même. Et Richard de se dire « Ca ne durera sans doute pas bien longtemps… » Que nenni Messire, le règne des Lusignan durera trois siècles, trois siècles florissants où l’île se couvrit de somptueux édifices : cathédrales de Nicosie et de Famagouste, monastère de Bell Pais, château Saint Hilarion...

Bell Pais, un des sites les plus superbes de l’île. Perché sur les hauteurs dominant Kyrenia au pied du Besparmark, la montagne aux cinq doigts - là il faut réfléchir « au pied de cinq doigts.. ? » - l’abbaye se découvre entourée d’oliviers, de palmiers, d’orangers et bien sûr de citronniers pour ne pas démentir Laurence Durrel.

On plisse les yeux, ça y est les moines soldats sont devant nous, veillant l’arrivée éventuelle d’un hypothétique ennemi venu de la mer, prêts à avertir par signaux de feux les châteaux de St Hilarion ou de Kyrenia. « Le désert des Tartares » version Lusignan. Autour de la salle du chapitre, ils débattent ou méditent ; au réfectoire, assis autour de longues tables de pin, silencieux, recueillis, ils écoutent le moine qui du haut de la chaire lit les Saintes Ecritures. Du haut de la même tribune, Sara, co-skipper d’ « Artemis » chante un verset de sa voix de soprane. Silence revenu, les six fenêtres percées dans l’épaisseur de la muraille découvrent les pentes de la colline où les oliviers moutonnent jusqu’à une mer indigo.


Les blasons des Lusignan


Bel Pais





Chez Laurence Durrell

Petite recette chypriote: prendre une cathédrale de Reims mais construite en calcaire ocre, l’implanter à Nicosie où à Famagouste au choix ; planter un minaret ou deux le long des clochers, ne pas oublier de démonter les cloches car cloches et muezzin sont incompatibles ; faire appel à un bon peintre en bâtiment pour passer l’intérieur entièrement à la peinture blanche - en cas de manque de peinture, de la chaux ou de la dispersion feront l’affaire ; cacher le dallage par une moquette douillette dont le dessin sera orienté vers La Mecque ; pour fignoler, laisser intervenir quelques calligraphes de talent pour décorer de versets du coran ; j’allais oublier le Minbar pour prêcher et le Mihrab tourné vers la ville sainte. En un tour de main vous venez de transformer la cathédrale Sainte-Sophie de Nicosie où furent couronnés toute la dynastie des Lusignan en la mosquée Selimiye et le résultat est du plus bel effet. Le blanc des murs, le rouge du sol, moelleux sous les chaussettes, donnent une impression de calme et de sérénité complètement inconnue dans nos austères et humides cathédrales.


Cathédrale St-Sophie/Mosquée Selimyie


Il ya mille ans elle fut chrétienne.

Un coup de peinture et la voilà musulmane




A deux pas au milieu de la place Ataturk se dresse une colonne vénitienne en marbre. A l’époque de la domination de la cité des doges, après l’extinction de la lignée des Lusignan, un lion la surmontait. Les Britanniques remplacèrent le lion par un globe terrestre pour bien rappeler que leur empire était global. Tous les matins le globe était astiqué pour luire de tous ses feux. Vanité de la puissance. Aujourd’hui, le globe tout terne rappelle que l’empire n’existe plus.


La route taillée sur les flans de la montagne austère dominant Kyrenia serpente impressionnante en lacets interminables. Carcasses de véhicules de l’invasion turque, plaque commémorative alignant une fois encore le nom des jeunes recrues tombées là par les hasards de la politique. Photos interdites. Devant nous, imprévu, à la fois massif et filiforme, le château de Saint-Hilarion s’accroche à son pic rocheux. Pratiquement imprenable, à chaque nouvelle conquête c’était toujours le dernier bastion à tomber. Vue sur près de cent kilomètres de côte, fraîcheur et sécurité : les Lusignan en firent leur résidence d’été.

L’escalade du château enchainant sentiers et escaliers transforme vite le visiteur en fontaine ruisselante et pourtant ce n’est que la mi-mai. Un jus de citron acide et glacé « préparé par ma maman ! » sera le réconfort de la fin de la visite alpestre.


Le chateau St-Hilarion



"Messire, le tournoi aura lieu demain

dans le grand-pré. Vos armes sont prêtes."



Une douche plus tard, nous troquons nos shorts de baroudeurs pour nos tenues « sortie mondaine ». Ce soir, le président de Chypre nord convie les vaillants navigateurs à un cocktail au cœur du château de Kyrenia. Hasan nous présente le secrétaire du président car, suivant la formule consacrée « Son excellence a eu un empêchement de dernière minute ! » Ca parle pointu, ça se congratule, ça se félicite, ça se remercie. Très comme il faut. Discours et remise de médailles, cérémonie des drapeaux. Tout était parfait, comme d’habitude.

Au fond de la cour du château, la porte fermée du musée archéologique. Il faudra revenir mais pas en blazer-cravate.

Et nous sommes revenus.

Quand on possède un bateau en bois vieux de 80 ans, on ne monte pas une expédition commerçante à partir de Samos et destinée à rallier Chypre via Kos et Rhodes ou alors on est un armateur sans scrupule. Apparemment au 4ème siècle avant notre ère ce type de personnage existait déjà. La mer est forte, très forte devant Kyrenia. Les matelots souquent désespérément en essayant d’atteindre le port. Les membrures grincent, les bordés mal calfatés font eau. Impossible d’étaler les entrées d’eau dans cette vieille coque fatiguée. Et c’est l’inévitable : le bateau coule à pic. On crie, on se débat au milieu de ces vagues agressives, on se noie.


"Vous voyez bien qu'il est en bon état mon bateau!"

25 siècles plus tard la coque éventrée recouverte de plomb, et son chargement d’amphores remplies d’olives et d’amandes, de meules à grain en basalte spécialité de Kos, reviennent à la surface. Et comme dirait aujourd’hui l’armateur véreux : « Vous voyez que mon bateau n’était pas pourri. Regardez son état après 2500 ans ! ». Vous vous demandez comment savoir que ce bateau avait 80 ans lors du naufrage. Et bien c’est élémentaire mon cher Watson : il suffit de réaliser la différence de datation au C14 entre le bois de la coque et les noyaux des olives…

L’histoire, les visites culturelles, les mondanités. Il manque quelque-chose ? Ah oui, la fête ! Et ce fut « la soirée pirate » !

Les documents du rallye étaient clairs : prévoir une tenue de pirate pour la soirée festive à Kyrenia. Les 250 navigateurs avaient bien lu la recommandation et déboulaient méconnaissables le long des quais, affublés de tricornes, de jambes de bois, de cache-œil pour les borgnes, de crochets pour les manchots, armés de sabres, vêtus de pantalons rapiécés, de chemises déchirées. Deux bonnes têtes au dessus de la mêlée, Jan le géant suédois, torse nu ceint d’une grosse amarre en chanvre amuse les grands et effraye les petits. Chacun veut une photo à côté du géant. Le groupe bruyant et rigolard fait le tour du vieux port. La population locale est hilare. Le cortège après moult haltes et photos atteint le très select hôtel Dome où quelques "brits" rosés avalent leur gin tonic de travers devant cette arrivée tonitruante « Quite shocking ! We were promised a quite stay ! » Et la soirée ne fut pas « quite » du tout ! Et pour les équipiers de Troll une soirée charnière : Didier et Chantal rentrent le lendemain à Genève ; Alain et Monique, tout juste arrivés de La Rochelle, font une immersion brutale dans l’ambiance du Rallye.

C’est extraordinaire ce qu’un déguisement peut faire pour désinhiber les plus coincés.

Voilà une thérapie que devraient conseiller plus souvent les psys.

Pour éviter les embouteillages au buffet, les groupes sont appelés successivement: « Groupe 3 ! » Alors les pirates du groupe 3, sabre au clair se ruent vers les tables du buffet en criant « A l’assaut ! ». La veille, reçu par le président, tout ce beau monde parlait de façon affectée, petit doigt en l’air.

L’heure vint à la danse et Jan, notre géant, vint inviter une jeune Turque. Il s’en saisit et la jette sur son épaule comme un vulgaire sac qu’il dépose délicatement sur la piste : gros succès.

Le célèbre pirate « barbe blanche » et sa moitié « Kat des Caraïbes » se lancent dans un rock endiablé pour le moins anachronique. Didier et Chantal reçoivent leurs diplômes marquant leur fin de Rallye. Un diplôme bien mérité qui marque officiellement leur transformation de marcheurs en marins. La soirée avance et la fatigue aussi. Dernière parade, moins organisée, plus désordonnée sur le quai du vieux port. Les couchettes sont en vue : « A l’assaut ! ».


Trois redoutables pirates!



Non, Chantal n'est pas petite. Jan mesure 2.10m!




La nuit prochaine sera une nouvelle navigation de nuit en direction de Mersin; un retour sur la côte turque. Il faut bien maintenir le rythme.

Troll salue ému Didier et Chantal qui débarquent et accueille Alain et Monique qui arrivent avec dans leurs bagages leur expérience de la mer et des voyages.



La côte turque orientale

« Allons à Mersin

pêcher la sardine,

allons à Skenderun,

pêcher le atun ! »


Par une nuit calme habituelle, l’escadre a remis le cap sur la côte turque. Nuit calme et même reposante : comme il est bon d’avoir à bord un couple d’équipiers compétents qui préserve le sommeil du Captain et de son second.

Troll fait son entrée dans le port de Mersin juste derrière Mashona, le bateau leader de Dave, car depuis Kemer, Troll fait office de « bateau cargo » du rallye. En particulier, sont à bord les drapeaux de couleur qui délimitent les zones de quai attribuées à chacun des groupes ; la première opération à effectuer avant l’arrivée du gros de la flotte. Pour nous accueillir la municipalité à fait évacuer une partie du port de pêche car la marina n’est pas tout à fait terminée. Sur les quais s’agitent toute une troupe de jeunes Midships de l’école navale locale prenant les amarres, souhaitant la bienvenue. Pour les étudiants de première année il est conseillé de contrôler les nœuds…

Les quais sont directement accessibles au public et toute la population de Mersin semble vouloir tout savoir : d’où l’on vient, qui nous sommes etc . Il faut dire que 80 voiliers, pardon 79, arborant le grand-pavois ça se voit de loin.


Mersin: le port de pêche reconverti



Nos hôtes, les « affaires maritimes » et la municipalité ont une fois encore déroulé le tapis rouge. Après un petit tour à la nouvelle marina presque terminée et qui pourra accueillir 500 bateaux de plaisance, la soirée se poursuit sur une terrasse au bord de l’eau. Le directeur des affaires maritimes » est à l’entrée avec madame : 300 poignées de mains plus tard, le Maire nous adresse quelques mots de bienvenue et la soirée se poursuit avec cocktail, dîner, spectacle et danses où l’infatigable Hasan entraine les navigateurs dans d’interminables farandoles turques.

Après cette nouvelle courte nuit, place à la culture et cette fois-ci, grande première les francophones ont droit à un bus spécial avec guide de langue française qui annonce tout de suite la couleur : « Je ne suis pas guide de profession mais suis ici pour rendre service à cause de ma connaissance de votre langue. Je ferai de mon mieux ». A ce moment-là un Australien, furieux, proteste « It’s a scandal not to have an English speaking guide !”. Car il est bien connu que sur notre planète seule une langue est autorisée : l’anglais. Le capitaine de Troll s’improvise alors en traducteur simultané et a droit aux applaudissements des autres anglophones qui s’étaient trompés de bus. Mais notre Australien toujours contrarié descend du bus en bougonnant. Et pourtant nous entrons dans Tarse la ville de naissance de Paul, le missionnaire, voyageur, vagabond, polyglotte qui prêchait dans toutes les langues de la région entre Jérusalem et Ephèse. Difficile d’imaginer que cette petite ville poussiéreuse et sans charme ait pu être la capitale de la province de Cilicie à l’époque romaine. Comme il faut bien rappeler la présence de Saint Paul, le touriste se doit de s’extasier devant un puits dit « de Saint Paul ». Plus loin, plus authentique, une rue dallée de basalte, ancienne artère principale de la ville. C’est également à Tarse que Marc-Antoine rencontre pour la première fois Cléopâtre. Il l’attendait paraît-il à la porte de la ville, lui fit son regard ravageur, lui donna la ville d’Alanya et la région avoisinante plantée de cèdres : l’affaire était dans le sac !

De belles maisons ottomanes rénovées témoignent de la prospérité de la ville au 19ème siècle.



Le puits de Saint-Paul


Tarse: la rue principale



Maisons ottomanes du 19ème

Le long d’une jolie petite crique rocheuse, le petit village de Narlikuyu déploie ses maisons de poupées et ses pittoresques bistrots. Sur la terrasse d’un restaurant, face aux bateaux de pêche pointus, les navigateurs digèrent Tarse qui n’était que le hors d’œuvre de cette journée culturelle marathon. Car, pour affronter le programme de l’après-midi, attachez vos ceintures ! Commençons par la mosaïque des grâces des thermes romains de Poimenios, puis ce sera la forteresse de Kizkalezi ( la forteresse de la fille), suivi de Kandelerivan, la ville Byzantine bâtie autour d’un ravin sacré. Allons maintenant faire un tour au paradis et en enfer pour se changer les idées : deux accidents géologiques, le premier doux et couvert d’arbres fruitiers, le second étroit, profond, inquiétant. Nous avons donc vu l’enfer : rien de spécial à signaler. Vous êtes saturés bande de petites natures ? Allons enchaînons par la visite de la ville romaine de Eleussa Sebast suivie de l’alignement des colonnes de Soli Pompeipolis, regardé d’un œil morne par des navigateurs fatigués, déconnectés.


Les nymphes de Poimenios



Forteresse de Kirkalesi


Kandelerivan




Eleussa Sebast



Pour réveiller son auditoire notre guide improvisé se lance dans des anecdotes : « Savez-vous qu’en Turquie on peut connaître la position politique des hommes à la forme de leur moustache. Par exemple la moustache de notre chauffeur indique qu’il vote libéral. » Le chauffeur se lève et se retourne pour faire admirer ses belle baccantes. Mais qu’un chauffeur se lève et se retourne en conduisant un bus n’a l’air ici d’inquiéter personne. Frissons. « Et vous voyez ce monsieur derrière moi » dit-il en pointant son doigt vers le capitaine de Troll « Et bien, c’est sûr c’est un communiste ! » Le capitaine se lève et salue en brandissant le poing.

Et pour finir la journée en beauté : dîner de gala offert par la municipalité. Magnifiques tables, splendide dîner où les plats se succèdent sans fin prévisible; discours, remise de plaques EMYR 2008, danses etc. Mersin beaucoup pour tout ! On va dormir un peu ou on appareille tout de suite pour Iskenderum ? Apparemment un petit créneau sommeil est programmé : une chance !

En cette fin d’après-midi, la longue file indienne se met en route cap sur Iskenderun qu’Alexandre fonda et nomma en toute modestie Alexandrette. Une nuit étoilée sur une mer étoilée de feux de nombreux filets et casiers qui s’ajoutent aux feux de routes des 80 bateaux, étrave pointée vers ce coin extrême de la Méditerranée orientale : le Hatay.

Le Hatay, province syrienne jusqu’en 1939, ce morceau de Turquie, comme un coin enfoncé dans le territoire syrien, apparaît encore 70 ans plus tard comme partie intégrante de la Syrie sur certaines cartes éditées à Damas. Voilà pourquoi, à l’hôtel Aphrodisias, Mestan appelait son cuisinier d’Iskenderun « Le Syrien ». Alexandrette resta pendant des siècles une petite ville sans importance. Aujourd’hui Iskenderun est une ville moderne, très animée, mélange de larges avenues et de petites rues étroites envahies de piétons et de marchands ambulants et qui vit de la présence d’un gros complexe sidérurgique et d’une importante base navale.

Le soleil vient de se lever et Troll pointe son museau à l’intérieur du port de pêche évacué lui aussi pour laisser la place à la plaisance. Memet, pantalon gris et chemise blanche bien repassée nous prend les amarres «Bienvenue à Iskenderun ! » Tiens ? Déjà un officiel ? « Si vous voulez une coupe de cheveux ou le taillage de la barbe, je suis coiffeur et mon matériel est là sur le quai » dit-il en pointant vers son scooter surmonté d’un tabouret pour la clientèle. Ainsi Memet n’est pas un représentant de la ville mais le barbier-portuaire, un Memet bien vite rebaptisé, si l’on peut dire pour un musulman, « Jacques Dessange » mais un Jacques D. plutôt collant. Toutes les cinq minutes venant proposer ses services de Figaro : « Une petite coupe de cheveux ? » « Non merci ! » « Une petite coupe de cheveux ? » « Non! » « Une petite coupe de cheveux ? » « Nooooooooon! ».

L’un après l’autre suivant l’habituelle cérémonie orchestrée par Dave assisté des chefs de groupe, les bateaux entrent dans le port et trouvent leurs places. La longueur de quai disponible est très courte et finalement les voiliers s’installent tête-bêche sur trois rangées. Troll trône en bout de quai en long et accueille deux gros catamarans à couple. « Une coupe de cheveux ? « Non, non et non ! ».

Invités par les Affaires Maritimes d’Iskenderun, la soirée fut formelle, officielle, magnifique et suivie le lendemain d’une journée culturelle.

En route pour Antakya, l’Antioche de l’antiquité, l’Antioche des Croisés et principauté du même nom. Antioche une ville qui comme Belem ou Samarcande fait chanter l’imagination.

Cernée par d’impressionnantes montagnes, capitale des souverains Seleucides, réputée ville de plaisirs aux mœurs dissolues mais en même temps une des plus saintes du Christianisme. Ville d’épopée aussi, car la prise de sa forteresse fut l’un des plus prodigieux faits d’armes des Francs. C’est aussi probablement à Antioche que le trio Pierre, Paul et Barnabé décidèrent de donner le nom de Chrétiens aux membres de leur nouvelle organisation religieuse secrète en gestation. Nazaréens ou Galiléens donnaient une consonance trop géographique. Les réunions discrètes se tenaient dans cette grotte aménagée plus tard en église.


Iskenderun ou Alexandrette




La forteresse d'Antioche

En parcourant Antioche aujourd’hui on a du mal à imaginer qu’au 2ème siècle avant JC la ville comptait le même nombre d’habitants qu’aujourd’hui : 500'000, un nombre considérable pour l’époque, la même population que Rome. A cette époque les riches patriciens faisaient décorer le sol de leurs villas de somptueuses mosaïques dont une magnifique collection orne le musée archéologique d’Antioche, paraît-il la plus belle collection de mosaïques du monde.

Mais de la ville du début de notre ère, plus rien ne subsiste si ce n’est le site : au dessus de la ville, des pans de la redoutable citadelle veillent.

A 25 km d’Antakya, près du village de Cevlek : l’ancien port romain d’Antioche, Seleucie.

Sous Vespasien, un formidable ouvrage de génie civil fut entrepris : un tunnel/canal de 250m de long atteignant jusqu’à 70m de profondeur creusé dans la roche, afin de détourner un torrent et d’éviter ainsi l’ensablement du port. A Nysa les ingénieurs protégeaient le théâtre, ici on épargne le port. On utilise encore aujourd’hui les escaliers taillés dans le rocher qu’empruntaient les esclaves juifs et chrétiens pour atteindre le chantier. Le sol est très glissant et la petite cohorte progresse la démarche chaloupée rassurée par les chaussures de pont.


Tunnel de Vespasien



Mosaiques (Musée d'Antioche)




Juste le temps de faire un petit peu travailler l’imagination, car de l’antique Antioche bien peu de restes demeurent et c’est le retour à Iskenderun où nous attend un cocktail musical sur le quai face à l’armada pavoisée.

Un « Iskenderun Terminal, Iskenderun Terminal for cargo ship XXX requesting an anchorage position » retentit sur le canal 16 de notre VHF. Le terminal fut pris de vitesse par notre super-woman Dorothée a bord de Big Easy qui saute sur son émetteur « This is Big Easy I cant give you a position right now please wait » Et ce fut un long silence radio rompu par un nouvel appel de cargo « Big Easy Terminal, Big Easy Terminal for cargoship YYY » Sacrée Dorothée elle avait pris la direction de la tour de contrôle de la région d’Iskenderun…

Le départ vers la Syrie fut un faux départ. Sur le canal 69 se succèdent les « La mer est très mauvaise ; creux de 2 à 3 m ; vent dans le nez etc… » Un à un les bateaux rentrent au port peu enclins à se lancer de nuit pour 85 milles de style « shaker ». Et c’est le rappel général : départ reporté d’une journée. Les Syriens patienteront un jour supplémentaire avant de voir débouler le rallye.

S’il y en a un que ce retour inopiné a réjoui, c’est bien notre ami Jacques Dessange. A peine quelques bateaux ré-amarrés, le voilà qui rapplique et arpente le quai peigne et ciseaux agressifs à la main « Une petite coupe de cheveux?» Et bien, vous me croirez si vous voulez, mais j’ai fini par dire oui et une demi-heure plus tard je rencontrai dans le miroir de la salle de bains un équipier que je n’avais encore jamais vu à bord. Alain, un autre Coluche Valaisan d’Anthea, vint vers moi « Je cherche un copain, une sorte de méthèque, de juif errant, de pâtre grec, vous ne l’auriez pas vu ?".


"Figaro ci! Figaro là!"

Pendant la nuit, le coup de vent fait déraper le catamaran Tucanan qui demande de l’aide sur la VHF. Joe et Christine du cata Zea sautent dans leur annexe sous des trombes d’eau et évitent de justesse à Tucanan une fin de course sur les rochers de la digue. Trempés jusqu’aux os, ils ne restent plus qu’à écoper leur annexe à moitié pleine, se sécher et replonger dans leur couchette.


Réunion des skippers à bord de Troll: cap sur le Moyen-Orient!