lundi 4 mai 2015

Cuba - Arrêt sur image



CUBA
Arrêt sur image
Mars 2015
Elaboré à partir de notes glanées au fil du voyage, de quelques autres sentiments ramenés dans les bagages
 et de lectures complétant les lacunes locales


Les muscles encore engourdis par plus de dix heures de vol, onze allibertins s’alignent le long des portails de contrôle où de souriantes policières habaneras posent la question d’actualité : « Avez-vous séjourné récemment en Afrique ? ». L’épidémie d’Ebola préoccupe les Cubains. Une pancarte « Allibert » s’agite. « Je suis votre guide et mon nom est Alcides ». Alcide, le fils d’Héra, rebaptisé Hercule. Jeune mais, pas exactement le profil du randonneur ou du pisteur de la savane. Bien sûr tout le monde ne peut pas présenter une morphologie de haricot-vert ou le profil de Didier de Courten, l’auteur en sait quelque chose, mais…

Le bus Transtur 15 places ronronne sur le parking. Avec Giovanni au volant ce sera notre cocon, havre de fraîcheur pendant les trois prochaines semaines.

Le bus quitte l'aéroport international José Marti en direction de La Havane endormie. Sur les banquettes, somnolent quatre Rochelais, deux Parisiens, deux Dracénois, deux Lucquérans et une Réunionnaise recevant, l’œil vitreux, comme dans un rêve les premiers commentaires d’Alcides.

Une rue de la vieille ville de La Havane qui crie « Venez me rénover et je serai si belle », la maison est coloniale, construite en 1863, un escalier genre échelle de meunier mène à ce premier appartement plus espagnol que cubain. Première casa particular. Sur les murs, des toiles et des photos de Madrid. Dans l’entrée un second escalier en colimaçon, acajou massif, enclos comme un confessionnal, perce le haut plafond vers des pièces mystérieuses.

Cuba se dévoile par petites touches : la gentillesse de nos hôtes, l’abondance des petits déjeuners qui nous suivront au quotidien, tortilla, fruits, pour nous exotiques, mangue, papaye, goyave… petits pains, beurre et confitures, jus de fruits mélangés, café et cette éternelle question « Est-ce aussi le quotidien des Cubains ? ».

En pleine période où découverte alterne avec étonnement.

Voilà c’est parti, Giovanni embraie, cap sur la province de Pinard del Rio, cap sur la vallée de Viñales, 200 km à l’ouest de La Havane.

Viñales, c’est le site des Mogotes, ces buttes montagneuses de calcaire qui émergent de la plaine. Il y a 100 millions d’années, au temps où les dinosaures broutaient le long des lagunes, un énorme réseau de rivières souterraines irriguait le sous-sol, érodait le terrain calcaire accumulé plus tôt au fond des mers. Cette lente érosion eut finalement raison de la stabilité du terrain qui s’effondra en ne laissant en place que ces collines du calcaire le plus dur, ces buttes aux formes étranges émergeant de la plaine, un paysage bien particulier.

Avant d’atteindre Vinales, ce petit village, camp de base de cette future exploration géologique, ces formations défilent le long de la route au milieu de champs de tabac, et de bananeraies. Les modestes maisons cubiques, le traditionnel habitat socialiste - « Oui, mais tout le monde a un toit » dirait Fidel - maisons aux couleurs pastel défraîchies, barricadées de clôtures de fer rouillé, entourées d’une végétation luxuriante, longent la route depuis La Havane. On croise un paysan qui marche derrière deux énormes bœufs, puis une charrette tirée par un cheval un peu trop maigrichon. Pour bien des Cubains, le cheval est encore au cœur de leurs activités quotidiennes. Des petits chiens aux grandes oreilles sont couchés ou trainent aux abords de la route. Le bus dépasse des vélos, des camionnettes rafistolées de pièces dépareillées, des voitures américaines des années 50, des transports scolaires jaunes semblant parachutés de l’Alabama. D’autres  attendent les rares transports en bord de route, une route truffée d’anachronismes.

Découverte du mode de vie campagnard cubain.

Au terme d’une traversée de Viñales aux petites maisons colorées dotées de terrasses équipées de chaises à bascule en bois, Giovanni plante les freins, sur la piste terreuse devant le restaurant « dispacher ».

 Chez Martha et El Chino

 Vinales

 Descente des bagages, attribution des casas particulares. Nos deux Helvètes emboitent le pas d’El Chino, leur futur logeur. Les roues des valises s’enlisent dans le sol meuble. De part et d’autres les cases pastels se succèdent. Celle de Martha et El Chino est rose bonbon. Comme ce sera toujours le cas, l’accueil est chaleureux. Chambre rustique. Douche. Mais, pas le temps de s’attarder car, au programme déjeuner avant de récupérer les  VTT réservés. Première prise de conscience des menus cubains. Au choix : Pollio, Cerdo ou pescado. D’autre fois ce sera Cerdo, Pollio ou Pescado ou encore Pescado, Cerdo ou Pollio. Alors… ne dites pas que ça n’est pas varié… mauvaises langues ! Pas de plainte, probablement pour les Cubains seul l’arroz avec quelques haricots seront présents dans leur assiette.

Les VTT arrivent après, semble-t-il, de longues négociations. Pas exactement le VTT haut de gamme aux vitesses bien réglées et freins efficaces… on fait avec…en remplaçant la douce mécanique par de la sueur. Les 11 (Al)libertins se collent à la roue d’ Alcides  en route pour le « Mural de la Prehistoria ». Une fresque de 180 m de long sur 120m de haut, commandée par Fidel Castro en 1961. Plusieurs peintres se relayèrent pour arriver au bout de cette immense peinture qui représente la théorie de l'évolution ou plus exactement elle vise à symboliser l’émergence de l’homo socialistus de la sauvagerie originelle. Leovigildo Gonzales fut chargé du projet, pour lequel il engagea des dizaines de barbouilleurs. La fresque d’aujourd’hui, modifiée par de nombreux « artistes » des environs ne correspond plus à l’œuvre d’origine. D’origine ou pas, il n’est pas sûr que cette fresque ajoute quelque chose au site naturel splendide ou pire qu’elle ne le dégrade pas un peu. Même Fidel n’a pas que des bonnes idées.

 Mural de la Prehistoria

Cuba, c’est le pays du cigare, tout le monde le sait. Mais ce que l’on ignore souvent c’est la notoriété des champs de tabac de la province de Pinar del Rio, les plantations de tabac les plus réputées du pays.

Encore quelques coups de pédale pour atteindre une de ces plantations. Miguel, le patron, à la tête de 90 hectares, nous explique les cultures de novembre à mai, semis, repiquage, taille des plans du bas vers le haut et, de février à juillet, la récolte des feuilles, enfin mises à sécher.

Les femmes enfilent les feuilles avec une aiguille puis accrochent ces fils sur des tréteaux dans des hangars en bois, en forme de tentes, bien ventilés et recouverts de feuilles de palme.

90 % du tabac doit être obligatoirement vendu au gouvernement. Miguel nous propose des paquets de 8 cigares de sa récolte personnelle, sans succès, car aucun membre du groupe ne fume. Et pour ceux qui ont cessé de fumer le risque de replonger serait trop grand.

 Hangar pour le séchage du tabac

 Guirlandes de feuilles de tabac


Les champs, labourés à l'aide d’antiques charrues tirées par des bœufs sont, après la récolte du tabac replantés avec du maïs ou du manioc. Dans cette province de Pinard el Rio Les tracteurs soviétiques ont pratiquement tous disparu faute de pièce de rechange.

Lors du dîner, demande de briefing pour connaitre le programme du lendemain : cette demande s’avère sans effet car A. ne connait pas le programme de la rando du lendemain, n’a aucune idée de ce que signifie le mot « dénivelé », etc. Il faudra attendre le départ de l’ascension des mogotes pour avoir quelques informations par le guide local.

Les cubains sont chaleureux, exubérants et … bruyants. Tard dans la nuit, l’omniprésente  musique, les discussions de maisons en maisons, les jappements des chiens aux grandes oreilles pointues se relaient pour peu à peu s’estomper. Le sommeil enfin, mais, bien vite interrompu par des dizaines de coqs clamant à tous « C’est moi le chef » devant des centaines de poulettes émerveillées.

Chien cubain aux oreilles pointues
Peut-être un croisement loup-renard

Ce second jour à Viñales marque donc la première rando qui semble être longue, aussi Alcides, pas au clair concernant le programme, nous a demandé d’être prêts à embarquer dans notre asile de fra’icheur roulant à 8.30. En omettant quelques épisodes intermédiaires, à 9.15, nous retrouvons l’inénarrable Alcides … en train de prendre tranquillement son petit-déjeuner. « Mais, Alcides, nous t’attendons » « Attendez, je finis mon pti dej.. »…

 Les Mogotes




Accrochés aux semelles du guide local, qui bien sûr grimpe comme une gazelle, en silence, le groupe commence l’ascension de la première mogote. La pente est raide pavée de roches d’un calcaire dur et agressif. Les Helvètes s’essoufflent à l’arrière, aidés de temps à autre par le guide local compatissant. Après 2 1/2 de grimpette, pose picnic salvatrice, tête sous l’eau jaillissante de la fontaine. Descente dans un vallon, remontée sur une mogote voisine, redescente dans un vallon, le scénario se répète jusqu’à la plaine enfin retrouvée … surchauffée.


 Le guide local


Le cocon climatisé de Giovanni est retrouvé avec plaisir.

Si un jour on veut revoir d’autre mogotes il faudra mettre le cap à l’est vers la Chine ou le Vietnam.

La plage est blanche de son sable fin, les cocotiers ondulent dans la petite brise alizéenne, les rotules et les muscles des cuisses oublient les mogotes et se reposent à Cayo Jutias, une toute petite île à environ 40 km à l’ouest de Viñales. On y accède par une route, une sorte de digue construite sur la mer. Cayo Jutias, c’est 4 km de sable blanc, entouré d’une eau limpide et de récifs coralliens. Sous le carbet où nous dégustons quelques  camarones accompagnées du traditionnel arroz, et arrosé de notre favorite bière Bucaneros, un excellent orchestre en rajoute encore, si c’était nécessaire,  au décor caraïbe.

Cayo Jutias


Alcides sort de l’eau, ses palmes jaunes à la main, les lunettes de plongée et tuba sur le front style Ursula Andress dans « Docteur no ». Alcides est heureux « J’ai nagé au moins 2 km » il a passé une bonne journée de vacances et c’est bien le plus important.


Le dîner sera classique : canard « Air France » aux 10'000 heures de vol ou cuisses de poulet « Zatopek ».

Après la musique sous le carbet, nos hôtes, la famille de El Chino se déchaîne, le fils ainé, ténor, est guitariste, le fils cadet manie les claves, Martha chante et El Chino lui-même agite ses maracas. Sacré ambiance. 




Au bout de deux jours, à Viñales, sa petite place, ses longues rues parallèles, les voisins que l’on croise d’un souriant « buen dia » ou « buenas noches », et l’ambiance fauteuil à bascule-mojito, on finit par s'y sentir un peu comme chez soi.

Giovanni zigzague sur une route pierreuse et chaotique qui s’enfonce dans les collines  escarpées de la Sierra del Rosario. Oswaldo, le maître de céans, ingénieur agronome et garde forestier du parc, ouvre le portail. Le refuge de Mil Cumbres se découvre à nous, accroché à sa colline, une ancienne hacienda transformée en refuge rural. Dortoirs pour quatre ou 6 randonneurs, douche sommaire, lavabo hoquetant. Rustique mais sublime endroit au milieu de la végétation tropicale. Du fond d’un fauteuil à bascule, un mojito à la main, bien tassé préparé par Dalia, admirer, un colibri d’Elena bleu, vert et rouge butiner une fleur conique écarlate, n’est-ce pas ça le paradis?

 
 Le refuge de Mil Cumbres




 
Le sentier longe un torrent. Roches lisses, érodées, galets que l’on pourrait croire morainique. Onze écoliers bien sage emboite le pas d’Oswaldo – celui qui sait tout sur le parc de El Rosario. On découvre quelques espèces uniques au monde tel le palmier liège, fossile végétal dont l’origine remonte au Jurassique. On ferme les yeux pour imaginer qu’il y a 150 millions d’années, des dinosaures venaient se frotter les flancs contre leurs troncs. Beaucoup plus nombreux, plus jeunes et plus classiques, les palmiers royaux si utiles : les cochons se gavent de leurs fruits, les palmes sont assemblées en balais ou couvrent les toitures, le bois sert à la construction, quant aux racines elles font parties de la pharmacopée locale. C’est un palmier impressionnant pouvant atteindre 20 mètres et croissant très rapidement. Tronc-colonne blanchâtre très droit, coiffé d’un chapiteau vert intense. Un arbre qui a de l’allure. Autre natif des caraibes, le goyavier nous rafraichit de ses fruits. La petite colonne progresse sous la surveillance de vautours ou Urubus à tête rouge que les Cubains nomment les vautours américains. Où va le monde si la politique se mêle d’ornithologie.

 La Sierra del Rosario

 Oswaldo, avec passion
Palmier liège
Vautour américain


Ce soir, c’est la fête au refuge. Après le traditionnel et incontournable mojito, Dalia, la femme d’Oswaldo s’active aux cuisines avec sa jeune sœur. Au programme, bien sûr le pollio de service, mais préparé avec tellement de cœur. Le niveau sonore de la musique grimpe, la bien enveloppée Dalia se déhanche fait frémir ses épaules et ses seins en riant, danse en bout de table. Françoise se joint à la danse. Toute la table rythme la salza. Du Bueno Vista Social Club authentique.






Oswaldo avant la rando du jour nous accompagne à l’école primaire du village voisin. Jolis foulards bien noués, uniformes fraichement repassés, trois niveaux de classes mélangés, faute de troupe, écarquillement des yeux devant ces extra terrestres attendris. La maitresse explique, Francia etc… Distribution de crayons et cahiers. Touriste voyeur passe ton chemin.

 Le village d'Oswaldo

Quelques dizaines de mètres plus loin, à la lisière du village se présente Pedro et son élevage de coqs de combats. Les combats de coqs sont l'une des plus vieilles traditions des populations rurales cubaines. Le jeu est synonyme de fierté pour les éleveurs de coqs qui  les bichonnent, les préparent, affutent leurs ergots, les entrainent.

Si le fait de parier sur des combats entre oiseaux est interdit dans le pays, les combats de coqs sont tout à fait légaux et font partie de « l'identité cubaine ». la durée du combat est fixée : soit par le règlement, soit négociée entre les propriétaires selon l’occasion, entre 5 et 15 mn. Les coqs s’affrontent jusqu’à la mort de l’un d’eux ou jusqu’à ce que l’un des combattants prenne la fuite ou refuse le combat. 

Coq de combat


Déjeuner au milieu de nulle part chez la maman de Dalia aussi maigre que sa fille est ronde. Petite ferme pauvre et proprette cernée de bananiers et de fleurs. Un repas comme d’habitude trop abondant, entourés de la famille qui regarde impassible les randonneurs s’empiffrer. 




Le clou du parcours sera la rencontre d’Enrique, le fabriquant de charbon de bois. La tête droite, l’œil vif, chapeau de paille vissé sur la tête, sexagénaire au corps de jeune-homme, Enrique explique fièrement sa technique. Le débitage des buches, leur dressement en pyramide en  cercles concentriques sur une bonne dizaine de couches, impressionant empilement ligneux, le recouvrement de terre à la pelle, l’allumage par le trou du faîte. Une semaine de combustion. Evacuation de la terre,  mise en sac et transport en charrette vers le bourg.  Pas d’aide, un « One man show ». Vous feriez ça pour 50 centimes par jour ? Mais quel bonheur d’avoir un fils qui termine ses études d’ingénieur agronome et… qui gagnera la même chose.


Enrique






La rando se termine en boucle au village d’Oswaldo qui tient absolument à nous montrer l’épicerie, celle du minimum vital, celle du Libreta.

Depuis 1963, date de mise en place du blocus par les US, le gouvernement cubain a mis en place ces livrets destinés à assurer un minimum de nourriture et de produits de base aux cubains. Grâce à cette subvention égalitaire, chacun des onze millions de Cubains est aujourd’hui supposé recevoir sept livres de riz [3,15 kg] par mois, la moitié d’une bouteille d’huile de cuisine et un morceau de pain "de la taille d’un sandwich" par jour. A cela s’ajoutent de petites quantités d’œufs, de haricots, de poulet ou poisson, de spaghettis, de sucre brun et blanc et de gaz.

Les aliments acquis par « la libreta » garantissent 1233 kcal par personne, soit  environ 53 % des 2.720 kilocalories quotidiennes, limite nutritionnelle minimale  indiquée  par la FAO.

Ce livret disparaîtra, quand l'économie cubaine sera capable de satisfaire les nécessités essentielles des familles. Et ceci est en grande partie lié à la levée du siège Etatsunien. 

Le rapprochement actuel va vraiment dans le bon sens.

Sur les étagères pas grand-chose : des barils de haricots et de riz, des savons, du dentifrice du rhum, des petits pains. des biscuits.

Sur les murs, les habituels slogans castristes rappelant la raison de ce libreta : le blocus américain. Mais ça, c’est une réalité.

 La vendeuse est morose, peut-être pas très heureuse d’étaler la misère devant le voyeurisme.

Question: si les américains arrêtent le blocus, les rayons vont ils se remplir?


Estamos bien! Viva Cuba!

Le libreta

Adieu Oswaldo, Dalia et leur rejeton José. Merci de nous avoir fait vivre ces moments de nature, tout simplement.

Oswaldo, Dalia et José


Le bus quitte la zone montagneuse, plonge vers la plaine centrale alluviale, plein est. 400 km sur l’arrête routière de l’île. Zone plate et monotone. Le déboisement commencé au 16ème  siècle pour couvrir l’île de cannes à sucre, la manne des propriétaires espagnols et de l’Espagne tout court, suivi d’un partiel abandon de ces cultures depuis la chute du grand-frère soviétique pour laisser place aujourd’hui à de grandes étendues à l’herbe rase où broutent quelques vaches pas trop grasses.

C’est, gonflés à bloc par les slogans qui bordent les routes et égayant les villages, que les allibertins atteignent Cienfuegos  une autre perle, celle-ci du sud.

 Viva Cuba!



Puisque la route est longue et le paysage monotone, profitons pour faire quelques rappels historiques sur cette « perle des Caraïbes » en évitant de rentrer dans les détails.



Avant d'être découverte en 1492 par Christophe Colomb, l'île est habitée par les amérindiens Ciboneyes, Tainos, Guanajuatabeyes, et autres Arawacks.

Elle est baptisée de son nom indigène Cubanascan et colonisée par les espagnols, dès 1511. Très rapidement les populations amérindiennes sont exterminées. Supprimer des individus, mi-homme mi-animal, même pas chrétiens, on n’allait quand même pas se gêner. Quant aux quelques réserves d’or de l'île elles furent bien vite épuisées.

Dès lors, Cuba devient une base avancée pour le ravitaillement des expéditions du royaume d'Espagne vers le Mexique, et d'autres pays de l'Amérique du Sud. Une nouvelle économie autour de la culture du tabac et de la canne à sucre s'y implante, et, les premiers esclaves sont importés d'Afrique.

L'esclavage est aboli en 1880, et l'égalité entre les blancs et les noirs, est décrétée en 1893.

Les Cubains s'insurgent en 1895 contre les nouvelles réformes mises en place par l'Espagne et de nombreux partis politiques voient le jour. Les Etats Unis qui contrôlent le marché du sucre, craignant pour leurs intérêts, se rangent du côté des insurgés, commandés par José Marti, et les généraux Antonio Maceo et Máximo Gómez et déclarent la guerre à l'Espagne.

José Marti, jeune patriote, journaliste et poète, "apôtre de l'indépendance" tombe sous les balles espagnoles en 1895.

L'Espagne perd cette guerre d'indépendance.

L'amendement de Platt en 1901 confère aux Etats Unis un droit absolu d'ingérence dans les affaires cubaines et celui de posséder de façon permanente des bases navales sur l'île (Guantanamo est encore américaine aujourd'hui : le bail prendra fin en 2033).

La république de Cuba voit le jour le 20 Mai 1902. 

L'île du crocodile devient alors une république bananière sous influence américaine. En 1952, Batista prend le pouvoir, et instaure un régime fait d'arbitraire et de corruption. La mainmise des capitaux étrangers sur l'économie du pays s'accentue : dans les années 1950, les Américains contrôlent 90% des mines de nickel et des exploitations agricoles, 80% des services publics.

Dès 1952, Fidel Castro, jeune avocat, dénonce l'injustice. La guerre civile gronde. Fidel s'engage dans une lutte armée.

Après une première tentative de prise de pouvoir échouée en 1953, Castro est arrêté et incarcéré. Une fois libéré, Fidel repart au combat et débarque sur la côte sud-est de l’île aux pieds de la Sierra Maestra. La Revolucion est lancée-

Avec son ami médecin Argentin Che Gevara, il obtient finalement la victoire à Santa Clara vers la fin de l'année 1958.

En 1959 Fidel et ses Barbudos rentrent à la Havane en vainqueur et s’autoproclame premier ministre de Cuba. Les réformes agraires et nationalisations se mettent en place. Un débarquement d’opposants à la Baie des Cochons est repoussé en1961. L’URSS soutient le nouveau régime. En 1962 la planète frise une troisième guerre mondiale avec la crise des missiles. En 1963 les EU généralisent l’embargo. Aujourd’hui le régime perdure avec à sa tête Raul Castro, le frère cadet (83 ans) de Fidel maintenant à la retraire (88 ans). What next ? That’s the question.
Avec ces slogans, aucun doute nous sommes à Cuba et pour en être tout à fait sûr une halte musicalo-gastronomique  le confirmera. 




Le bus, ou plutôt  Giovanni, vient se garer le long du parc Jose Marti sur la place du même nom, au cœur de Cienfuegos. Une ville surnommée « La perle du Sud ». On a déjà tellement visité de « »Venise du nord », ça va nous changer un peu. Mais ce fut une visite éclair. Un pti tour du square Marti et puis s’en vont…

 
 Cenfuego: Parque Jose Marti


 

 

Un aperçu du théâtre Tomas Terry entièrement construit en bois dur de l’île et lardé de persiennes ventilant magnifiquement le bâtiment. Une climatisation 19ème en quelque sorte. Il y en a qui retape des vieilles voitures, Terry, lui, fit sa fortune en retapant des esclaves malades achetés bon marché….

 Teatro Tomas Terry


 Clim 19ème

 Nous ne verrons rien de l’héritage des anciens colons de Louisiane, des mansion à colonnes le long des allées ombragées ni des bords de la Ensanada Marcillan où venaient s’ancrer les voiliers cargo en attente de chargement du sucre. La courte visite se termina sur la terrasse du Palacio de Valle, mélange kitch de styles néo-mauresque, roman, gothique avec une petite couche de vénitien. Le businessman Acisclo del Valle n’arrivait sans doute, pas à se décider. Une visite un peu bâclée. Alcides… au coin, avec une retenue !

Giovanni reprend le volant en direction de l’hôtel Club Amigo Rancho Luna situé sur la plage Rancho Luna, entre mer et montagne. Edifice de style Bauhaus, bâti sur des piliers en béton inversé, récemment rénové, date de l’ère soviétique, les murs d'origine à peine ravivés par un coup de peinture.

Cuisine médiocre, spectacles bas de gamme à 140db, pas vraiment l’hôtel de charme où aurait aimé séjourner Hemingway. Plage de sable gris, piscine de taille olympique, toutes à l’ombre des cocotiers l’hôtel semble pourtant plaire à des centaines de Canadiens favoris du « all included ».


 Hôtel Club Amigo Rancho Luna

Sans communication depuis une semaine, il devient urgent de trouver une solution pour atteindre Elburg et connaître la situation concernant Troll. Pas de WIFI mais deux ordinateurs qui, par cartes prépayées interposées permettent l’accès au réseau. Une longue tentative, aidé par un spécialiste de l’hôtel est un échec. Impossible d’accéder à Hotmail. Gecat décident alors de quitter provisoirement le groupe en ralliant dès le lendemain Trinidad où peut être la communication pourra être établie.

Petit intermède tragico-comique : la réception de l’hôtel remet par erreur nos passeports à un autre couple d’Helvètes. Munis de nouveaux noms et nouvelles photos, il parait peu probable que nous pourrons quitter Cuba. Cat part à la salle à manger et demande à chaque table « are you swiss ? » à la dixième table la réponse est  enfin positive. Les passeports retrouvent leurs propriétaires respectifs. « We are so sorry » dira la réceptionniste qui nous assurait ne pas s’être trompée…

Le lendemain, en attendant le taxi qui allait nous mener à Trinidad distant de 70km, nouvelle tentative d’utilisation de l’ordinateur de l’hôtel. Ge réussit à se connecter au site de Orange.ch et modifie son abonnement en incluant données+World. Une demi-heure plus tard « Ding-Dong » dans le taxi. 28 mails se sont déchargés dans le smart-Phone. Problème de communications résolu. Dans la journée, le contact sera rétabli avec Elburg.

Si Cuba est une balance Roberval, Trinidad en est le fleau, le point d’équilibre de l’île. Notre taxi serpente dans les rues de la ville, l’adresse de notre contact à la main et bientôt José est devant nous, nous accueille et nous conduit chez nos hôtes. Juliet, épouse d’un autre José, à 50 m de chez lui, nous accueille chaleureusement. Les façades en mauvais état n’étaient pas très engageantes et pourtant la porte poussée révèle un coquet petit intérieur donnant sur un jardin-patio bien arrangé. Belle chambre, salle de bain confortable. Autrement plus sympathique que l’hôtel Brejnévien précédent.

 Chez Juliet


« La plaza Mayor porfavor » « Es todo seguido y la quarta calle a la derecha” “Muchas gracias”.

La plaza Mayor, le Coeur de la Trinidad ancienne. Les flibustiers et autres pirates qui ont accompagné notre adolescence, ont déserté la ville depuis des lustres, leurs épées ne raclent plus les galets des ruelles, délestés des galions espagnols ; les riches propriétaires terriens, esclavagistes, aujourd’hui cravatés et fonctionnaires d’état ont déserté leurs superbes palais ; les carcans n’enserrent plus les cous des esclaves récalcitrants.

Mais les palais sont toujours là, immuables, enserrant la photogénique place, ses palmiers et ses meubles en fer forgés peints de blanc : la maison Sanchez désertée par la famille à la Revolucion, somme toute  il n’a pas si longtemps, le Palacio de Ortiz, et surtout le splendide Palacio Cantero dont la tour, agrémentée d’une échelle de meunier suivie d’un escalier en colimaçon grinçant, procure un panorama splendide sur la ville et la sierra de l’Escambrey.


 La Plaza Major








La musique est partout. Les guitares répondent aux maracas, des voix féminines haut-perchées appuient le rythme, les corps se déhanchent. La Cachancara, rhum huilé de miel, glisse au fond des gorges assoiffées d’exotisme.





 Trois vieux, oui tout simplement  des contemporains, alignés sur un banc, panama vissé sur la tête, cigare-barreau de chaise à faire pâlir Churchill vissé en bouche, s’amusent des touristes qui fixent l’image, la même que des milliers d’autres. Ibrahim Ferrer, Compay Segundo et Ruben Gonzalez alignés sur un banc. Un autre, costume noir et cravate années 50, barbe taillée, tombé d’un film de Bunuel, réincarnation de Fernando Rey, encore une vision anachronique. Catherine craque.



Les notes de musique répondent aux couleurs pastel des façades piquetées de grilles de fer forgé ou de moucharabias boisés. L’Espagne, l’Andalousie se répandent autour des places tandis que les bourgades andines se partagent la périphérie.

Piaillements d’enfants derrière des grilles, sûrement encore d’autres œuvres de Giroud, le maître serrurier originaire de Ferney Voltaire, c’est l’école primaire. Plus loin une école maternelle, on chante, les rythmes cubains entrent dans les veines des tout-petits. C’est midi, du lycée sortent les ados, chemises bleu clair, pantalons ou jupes bleu foncé et discutent dans la rue par petits groupes. Une autre élève, une contre-révolutionnaire sans doute, s’échappe habillés à la mode US. 





Devant la terrasse de la Jigue, devenue un peu notre cantine carrelée d’Azuelos, alternent vieux tracteurs soviétiques rafistolés tractant citernes ou charrettes, des carrioles hippomobiles, des vélo-taxi théoriquement interdits aux touristes- mais qui s’en préoccupe-, des porteurs de gâteaux, de poissons, des guides tout de rouge vêtus, suivis de leurs ouailles ruisselantes sous le soleil de midi.








De belles vieilles américaines prénommées Chevrolet, Dodge, Plymouth ou même Cadillac se reposent le long des hauts trottoirs se disant, exténuées, « vivement la retraite »

Partout, un regard que l’on croise, un sourire échangé, sur un fond musical inimitable.

Sous le manguier en fleur de notre « casa particular », José, le maître de maison,nous raconte la saga familiale. Son frère aîné parti il y a 15 ans à Toronto, son impossibilité de lui rendre visite car « une force vive de la nation n’obtient pas de visa de sortie » ; les quatre voyages à Toronto de son père qui, âgé de 80 ans, n’est plus une force vive de la nation. Ernesto le fils de 8 ans, reste en retrait, très intimidé par ces Européens un petit peu extra-terrestres. 25 élèves par classe, une heure de maths et une heure d’espagnol par jour, deux heures d’anglais par semaine. Ernesto reçoit 2 crayons, 2 cahiers et deux timbres helvétiques. Alors, prenant son courage à deux mains, Ernesto se dirige vers le Captain, lui sert la main en disant, très sérieux : « Nice to meet you ». Première année d’anglais !

Ce dernier soir à Trinidad, c’est la fête, le groupe va s’encanailler au restaurant des pirates à 5km du centre et pas n’importe comment, à bord de deux Chevrolet Bel Air 1955. Yves sort de l’une d’elles dépité : son magnifique pantalon jaune tout neuf n’a pas supporté l’agression d’un ressort fabriqué à Detroit au début des années 50 et qui avait envie de prendre l’air – une déchirure rétro en quelque sorte. Heureusement, la langouste était bonne et le côté flash-back sans pareil. 

 Soirée retro

Cap au Nord-Est, en direction de Sancti Spiritus.  La route longe la luxuriante vallée Los Ingenios , la vallée des sucreries, au 19ème siècle la région sucrière la plus productive de l’île. Une époque où il valait mieux être maître qu’esclave… Et puis, ce fut la décadence de ces petites exploitations confrontées aux énormes sucreries des autres régions de l’île. La plupart des superbes maisons de planteurs sont maintenant en ruines. Certaines ont survécu dont celle de Iznaga et son énorme tour de gué résultat, au début du XIXème siècle, d’un incroyable pari entre les deux frères Iznaga. « Je creuse un puits et toi une tour, celui qui atteint la plus grande hauteur achevée épouse la belle Carmen ». Et Alejo Iznaga le trafiquant d’esclaves gagna le pari avec sa tour aux 145 marches permettant de montrer à la ronde la puissance du maître des lieux, mais surtout de pouvoir surveiller discrètement les dizaines d'esclaves qui trimaient sans répit dans l'immense domaine, dédié à la culture de la canne à sucre. Superbe maison coloniale aux relents de « Autant en emporte le Vent », Scarlette O'Hara et Red Butlerne sont sûrement pas loin. Un cochonnet tourne sur sa broche activé par un descendant d’esclave dont la vie a à peine changé depuis l’abolition.


 Comme au bon vieux temps...
 
 Chez Scarlett...
 L'objet du pari
Steppe devant, steppe derrière. Les onze guérilleros somnolent, un bon moment pour réfléchir au système économique cubain, insolite et plein de paradoxe.

Quand on sait que le salaire mensuel à Cuba , l’équivalent de notre Smic,  est de 20 $, et qu'un simple repas se trouve difficilement à moins de 5€, qu’un simple cornet de glace coute 1 $, quelque chose cloche. Pour essayer de comprendre il faut rajouter quelques paramètres : la médecine est entièrement gratuite (Un médecin généraliste pour 151 habitants, 299 en France), l’enseignement également gratuit jusqu’à la fin des études universitaires, la subvention Libreta, faible mais couvrant 50% des besoins en Kcal, et, probablement le facteur de plus en plus important, le tourisme.

3 millions de touristes déversent annuellement leur manne sur l’île, ce qui en fait la principale ressource de Cuba. Un bon moyen de contourner l’embargo. Pour mémoire, lorsque le sujet est soumis au vote à l’ONU, seuls les US et Israël votent contre la levée de l’embargo !!!

Cette manne tombe en partie dans les mains de particuliers qui ont obtenus leur patente privée. 150 professions sont concernés : restaurants, Casas Particulares (B&B), coiffeurs, de nombreux métiers artisanaux… des quantités de CUC qui rentrent dans le circuit. Aujourd’hui le guide ne peut plus nous dire le salaire de tous les cubains est de 20 $. C’est faux, archi faux. Aujourd’hui l’échelle des salaires est de 1 à 100 ! Evidement clamer dans un pays communiste que l’échelle de salaire est de 100 n’est pas très « politicaly correct ». Grace au tourisme le PIB par habitant a doublé durant les dix dernières années.

Une autre question qui traverse l’esprit après avoir subi quelques problèmes de communication : la quasi absence d’ Internet est-ce lié à embargo ou à une censure du régime ?

Son  usage semble se limiter à une sorte d'Intranet national, où les principaux services (mail, information) sont contrôlés par le gouvernement. Seuls 3 à 10% des habitants ont librement accès à l'ensemble du réseau, au sein des institutions, des ambassades ou en achetant au marché noir des cartes le permettant. Je m’en suis aperçu en rentrant en Europe en découvrant ma note de téléphone. L’abonnement WorldData fonctionne partout dans le monde pour un prix raisonnable SAUF à Cuba et au Vietnam ! Ces  deux pays imposent leur facturation qui est démentielle.

Le périple se prolonge vers l’est en poursuivant sur la carretera Central au cœur des plaines monotones aux multiples champs en jachère, pour finalement atteindre Sancti Spiritu une des 7 villes d’origine fondée par Diégo Velasquez en 1514. Le pont Puento Yayabo une fois traversé, on aborde le Barrio San Juan, l’ancien quartier colonial aux maisons colorées coiffées de tuiles et aux rues pavées. Un petit tour sur le Parque Seraphin Sanchez cerné de façades néoclassiques. La ville, deux fois brûlée et détruite par les pirates, ne présentent pas d’édifices aussi anciens que Trinidad mais la plaza Honrato del Castillo vaut le détour.

Une visite de Sancti Spiritu à la japonaise.

Puento Ayabo




 Que faire à Santi Spiritu sinon attendre la venue du Saint-Esprit
 Au premier étage de l'école de musique de Santi Spiritu

 Ton sur ton
Steppe devant, steppe derrière. Des champs pelés, peuplés de vaches éparses qui se partagent ce qu’elles peuvent en ce début de saison sèche. Nous approchons de Camaguey troisième ville du pays et capitale des vaches laitières et des bêtes à viande. Un tracé de rues sinueuses  pour dérouter les pirates, rétrécies ici où là pour mieux les cibler, Camaguey s’écarte du classique damier des villes coloniales.

Entre ces ruelles serpentent les vestiges du fameux tramway qui parcourait la ville au début du 20ème siècle.

 Camaguay en 1910


 Camaguay, la plaza San Juan de Dios

 Quand on pense qu'il y en a 99 autres à l'intérieur!


Au bord de la place San Juan de Dios un péon (peut-être une péonne ?) au vaste sombrero, un cow-boy bien vieux à la retraite sans doute, énorme cigare au bec contemple impassible l’iglesia san Juan de Dios. La place respire  la quiétude.

La nuit sera passée, non pas au cœur de la ville ancienne comme prévu mais à la lisière de la ville dans un ce ces hôtels sans caractère dont seuls les Soviétiques avaient le secret, car on est là pour en baver, pas vrai Paul?



Mojito !



Steppe derrière, steppe devant, le cap est mis sur Bayamo.



 Steppe derrière, steppe devant

Une ville effleurée, survolée avec son moment d’émotion : au milieu de la plaza de la Revolucion, héro de l’Indépendance de Cuba, encore un, un mendiant entonne l’hymne national, la main sur le cœur. Il faudrait flâner dans Bayamo. Juste quelques flashs.




 Bayamo





19 mars 1958 – Flashback



20 km avant Santo Domingo, la petite escouade descend du camion militaire GMC sur ordre du caporal en charge de l’organisation de l’expédition. Objectif rejoindre Fidel et le Che à leur refuge de la Sierra Maestra. Battledress kaki, casquette style Africa Korps, bottes de combat aux pieds, les 11 guérilleros révolutionnaires ont fière allure.

Le caporal :  Ici nous descendons du camion et partons en jeep à San Domingo car la route est épouvantable Les armes et les provisions restent dans le camion. Chacun prend son sac à dos tactique, opérationnel pour deux jours.



Arrive une Jeep

Le barbudo, un membre de la section, s’adresse  au conducteur de la jeep:



Le barbudo : Soldat,  vous arrivez de San Domingo ?

Le soldat : Oui

Le barbudo : Vous y retournez ?

Le soldat : Oui

Le barbudo : Comment est la route ?

Le soldat : Bonne, nous la faisons dix fois par jour.

Le barbudo se tourmant vers le caporal : Caporal, Si une  jeep passe le camion passera sans problème.

Le caporal : Non, on part en jeep et sans armes ni paquetage

Le chauffeur du camion : Pas question de garder les armes à bord du camion pendant deux jours. Je n’en prends pas la responsabilité. On va se les faire voler par l’armée régulière. Quand on pense au mal que l’on a eu à les obtenir en attaquant la caserne…

Le caporal : On laisse les armes dans le camion parce que les jeeps n’ont pas la place pour embarquer les armes

Le Barbudo se tournant vers le soldat conducteur de la jeep: Pouvez-vous embarquer les armes?

Le soldat : Pas de problème on les mettra dans la remorque.

Le caporal  s’adressant aux  onze guérilleros: J’ai trouvé une solution. On part à Domingo en jeep avec les armes et le pactage.


Camions militaires

A bord d'une des deux jeeps


Les deux jeeps et leur chargement cahotèrent jusqu’à San Domingo, minuscule village, camp de base de la Revolucion, point d’approvisionnement des 350 guérilleros cachés au cœur de la Sierra Maestra.

Les onze révolutionnaires prennent leurs quartiers dans le campement de base bien aménagé, en dur, avec eau courante, cantine et rhum. Demain ce sera pour ces novices le grand jour, la montée au camp de Fidel. Faire la connaissance du chef quel honneur !

Au petit jour deux jeeps escaladent la montagne par une piste abrupte et déposent l’escouade au pied d’un sentier bien tracé, creusé par des centaines d’hommes en armes, dissimulé par un couvert dense de feuillus. Après une heure et demie, nos héros montrent patte blanche au premier poste de contrôle.

La Sierra Maestra

Fidel est au bout du chemin

Le chemin de la Comandancia

Premier poste de contrôle

Second poste de contrôle



 "Salle d'attente" des journalistes
Encore une heure et demie et le deuxième poste de contrôle apparait. Le petit groupe est très excité car le repère de Fidel n’est pas loin. Dans le lointain quelqu’un parle, scande des slogans, invective… c’est le Che qui parle à Radio Rebelde… convaincre … convaincre…convaincre

A droite, la hutte où attendent et se succèdent les journalistes du monde entier. Plus bas une cabane ou Fidel leur accorde des interviews.

Plus loin le groupe atteint enfin le saint-des-saints, le repère de Fidel, La Comandancia, la Casa de Fidel. Il est à sa table en train d’écrire, nous fait un petit salut de bienvenue. Une deuxième petite pièce avec un lit. Bien étroit ce lit pas beaucoup de place pour Celia, pas de confort pour le grand chef !

Le bureau de Fidel

Le lit de Fidel bien étroit pour deux ....

...et pourtant, Celia avait trouvé sa place (photo Enrique Meneses)

Fidel Catro, Che Guevara et Celia Sanchez dans la sierra Maestra

Raul (27 ans) parlant à Radio Rebelde


 Paris-Match du 22 avril 1958 
(NDLR - Non, Lana Turner n'était pas dans la Sierra Maestra)
Encore émotionnés, les guérilleros novices reprennent leur marche en direction du petit hameau de la Platica. Deux d’entre eux Ge (de Ge à Che il n’y a que deux lettres) et Cat qui s’imagine en Celia Sanchez, prennent une Jeep pour regagner le camp de base de Santo Domingo et veiller sur les armes et les paquetages.

Le soir à la cantine, un orchestre vient égayer les rebelles bien isolés au milieu de la Sierra.

Au matin, nos deux militaires se réveillent en civil. Plus trace de battledress. La troupe monochromatique kaki a fait place à une équipe bigarrée. Les armes et paquetages ont disparu. Les Jeep sont devenus taxis, le camion s’est mué en bus Transtur.

Plus de Caporal, c’est bien Alcides qui est la devant nous. Nous sommes le 20 mars 2015. Fidel a 88 ans.

Le rêve est fini.

Mais, pour le prolonger il est toujours possible d'écouter :






 Le camp de base de San Domingo

Le premier contact avec  Santiago s’opère via le Castillo del Moro, à l’entrée de la baie, bâti sur un promontoire pour en interdire l’accès aux pirates. Des remparts la vue plonge sur la côte caraibe. Au loin, la marina de Santiago où nous aurions du atterrir à bord de Captain Smith en 2003.

 Castillo del Moro



La marina de Santiago
 
Zigzagodromie dans les rues de la ville dont nous ne retiendrons que trois choses : la caserne moncada que Fidel et ses camarades tentèrent de prendre d’assaut en 1953, la place centrale le Parque Cespedez, une bien petite place pour une aussi grande ville. Cespédes encore un père de la patrie. Musique omniprésente le long de la calle Heredia.

 Au bord d’une autre place, le parque Dolores, un rite Vaudou musical, histoire de ramener quelques CUC. On fonce car notre guide est pressé, très pressé. Santiago c’est sa ville, donc l’occasion de bénéficier d’une visite exemplaire. Il n’en fut rien. Bien sûr il faut rendre visite à la mama et de plus sa femme, guide également, est de passage  à Santiago.




                                                  La casa de Velasquez

                                                          Parque Cespedes


 Hotel Casa Granda

 On parque donc au plus vite les onzes victimes dans leur Hotel moscovite et « A demain ».

Mojito !

Pas de visite de la Casa de Diego Velasquez pourtant la plus vieille maison de l’ile (1516) encore debout, pas de montée sur la superbe terrasse de l’hôtel Casa Granda qui surplombe le Parque Cespedes et domine la ville, et beaucoup d’autres points d’intérêt et surtout, aucune mention du carnaval de la Trova qui résonne parait-il tous les soirs en cette fin mars de fantastique musique, aucune indication d’adresse sympathique ou diner et écouter le festival pendant cette soirée indiquée comme « libre ». En résumé une visite de Santiago massacrée.


Guantanamo. Ce mot résonne fort dans nos consciences géopolitiques et musicales. Sans la présence de la base navale américaine et l'existence de la célèbre chanson Guantanamera (fille de Guantânamo), cette ville ne serait sans doute connue que des Cubains et des amateurs de musique. Guantanamera fut composée dans les années 1940 par Joseïto Fernândez, en souvenir d'une jeune fille fière qui ne répondait pas à son soupirant. 


Mais pourquoi des Américains sont-ils encore à Cuba dans ce climat d’embargo qui perdure ?

Les États-Unis obtiennent la location perpétuelle le 23 février 1903, accordée par Tomas Estrada Palma, premier président de Cuba dans le cadre du traité américano-cubain.

Un nouveau traité en 1934 confirme ce bail pour 99 ans, donc jusqu’en 2033 en réactualisant le montant de la location annuelle. Depuis la révolution cubaine, le gouvernement de Fidel Castro a toujours refusé (sauf une fois par erreur) d’encaisser le loyer annuel du gouvernement américain Les chèques américains sont conservés dans un tiroir du bureau du leader cubain.

Durant les années 1990, la base a accueilli plus de 45 000 réfugiés venant d'Haïti et des dizaines de milliers de Cubains voulant quitter le pays.

En mai 1996, le président Bill Clinton a ordonné le déminage de la zone du côté américain et placer celle-ci sous la surveillance de détecteurs de mouvement et de bruit. Cependant, le gouvernement cubain n'a pas enlevé les champs de mines qu'il avait posés du côté de sa frontière. En 2011, on compte 881 militaires américains à Cuba. La raison du plus fort, tout simplement.

Une base aéronavale est une chose, mais un camp de détention spéciale est une toute autre histoire. Le choix de ce centre situé à Cuba sur une base militaire américaine a été justifié par le président Georges W. Bush afin de fonder juridiquement la décision de refuser de soumettre certains détenus au système judiciaire fédéral américain, prenant appui sur l'extra-territorialité de la base.

Dans ce centre de détention militaire de haute sécurité, sont détenues des personnes qualifiées de "combattant illégal" , capturées par l'armée américaine dans les différentes opérations qu'elle mène à l'étranger (Afganistan, Irak, etc.) contre des militants et terroristes islamistes.

Il y avait, à l'automne 2001, environ 750 détenus originaires d'une vingtaine de pays différents il en reste aujourd’hui 170. La promesse d’Obama de fermer ce camp n’a pas encore été suivie d’effet.



La ville de Guantanamo fut fondée en 1796 pour accueillir les Français nobles et leurs esclaves  fuyant Haïti et l’atmosphère révolutionnaire qui y régnait, et la ville  se développa au XIXème siècle. Capitale d'une province hétéroclite où se mêlent déserts de cactus  et montagnes verdoyantes.


 En route pour Guantanamo

Le guide local, ou plus exactement un guide et une guide, récupérés au centre de la ville de Guantanamo sont maintenant à bord du bus et expliquent la future balade au cœur de la région semi-désertique - la partie la plus aride de Cuba - los Monitongos, et ses enrochements très particuliers. Le climat est ici de type quasi désertique en raison des vents chauds qui balaient les terres. Cette zone est sous contrôle militaire et nécessite le passage d’un poste de contrôle gardé par des militaires-crânes rasés style Rambo. Aucune envie de leur flanquer une tape dans le dos en chantant Guantanamera… Juste le temps de voler discrètement une photo de la pancarte, une phrase de Fidel, bien sûr.


Peu importe que quelques-uns d'entre nous tombent,
 ce qui importe est que ce drapeau flotte,
 et que les idées fassent leur chemin. Vive la Patrie !
Fidel Castro

Au Jurassique, une poussée tectonique mais sans éruption poussèrent les fonds marins qui émergèrent pour former cette chaîne de collines noirâtres de quelques centaines de mètres de long. Sculptures de pierres géantes couvertes d’une grande variété de cactus et autres plantes épineuses qui restent plein d'eau toute l'année, bien utiles dans cette région semi-désertique.

Les Iguanes se montrent peu sociaux puisqu’invisibles.

Un sentier interrompu d’échelles donne accès au sommet, environ 200 m de grimpette au milieu d’un paysage insolite guidés par les deux guides locaux. La vue découvre la mer Caraïbe et au loin la base américaine de Guantanamo.



 Los Monitongos


 


 Un petit air de Lanzarote



 La base américaine de Guantanamo

Après une pose camarones pour déjeuner à Guantanamo-ville  le petit groupe s’enfourne dans le bus car la route est encore longue jusqu’à Baracoa.

La route côtière, jusqu’à Cajobabo, entre les montagnes et la mer translucide, offre, de la fenêtre du bus, un spectacle superbe. La côte rocheuse possède de jolies criques aux plages de sable ou de  galets, certainement un bon coin pour les langoustes. 


Cajobabo - ville côtière où José Marti et Mâximo Gômez débarquèrent en 1895 pour lancer la guerre contre l'Espagne - marque l'entrée de La Farola, une route de 120 km qui escalade les montagnes vers Baracoa, à travers une végétation de plus en plus luxuriante à mesure que l'on s'éloigne de la côte.

Baracoa, la plus ancienne colonie espagnole de l’île fut fondée en 1512 par leconquistador Diego Velazquez. La ville restera coupée du reste du monde terrestre, et uniquement accessible par bateau  pendant plusieurs siècles, jusqu’au début des années 1960 !

A cette époque les ingénieurs civils cubains se lancent dans la réalisation d’une route acrobatique à travers la sierra Purial, La Farola. 120km, 11 ponts, des dizaines de virages en épingle à cheveux de nombreux tronçons en surplomb. Chapeau les collègues !  Paysages fabuleux, magnifiques perspectives de montagnes, jungle sauvage, bananeraies, cocoteraies. Au loin, la Sierra Maestra. Sur les bas-côtés quelques montagnards vendent des produits locaux : café, bananes rouges et mandarines, mais aussi, curieusement, des chocolats et autres friandises emballés en provenance d’un lointain super-marché.


 La Farola



Le petit bus rentre dans Baracoa, grimpe sur la colline qui domine la ville ; Giovanni, certainement ravi de finir sa journée, plante les freins devant l’hôtel El Castillo sorte de Parador espagnol aménagé dans un château construit en 1770 et destiné à protéger la ville de la perfide Albion. Notre chambre, que dis-je une mini-suite, domine la baia de Baracoa toute ronde, « véritable trou à cyclone ».

 Hôtel El Castillo

Au-delà, « El Yunque », l’enclume, une imposante montagne au sommet plat domine la ville aux toits de tôles rouillées. Depuis longtemps les habitants ont renoncé aux tuiles, bien trop volages en cas d’ouragan.

Le 27 octobre 1492, Christophe Colomb, lors de son premier voyage « vers les Indes », débarque à Cuba vers son extrémité est. De la description qu'il donne de l'endroit, on estime généralement qu'il s'agit de Baracoa, car Colomb note dans son livre de bord qu'il y a alentour une montagne plate, qui est sans aucun doute El Yunque : « ... le plus bel endroit du monde... J'entends les oiseaux chanter… ».

Une incertitude demeure car à part le côté purement descriptif de l’accostage, le calcul de la longitude par Colomb reste très imprécis.

Jusqu'au 18ème siècle, les marins savaient aisément calculer la latitude, en mesurant la hauteur du soleil au desus de l’horizon, par exemple avec un sextant ou plutôt son ancêtre l’astrolabe. En revanche, il leur était à cette époque très difficile de mesurer la longitude faute de montre de précision, le paramètre temps n’était connu qu’approximativement. La Terre pivotant d'un tour en 86 164 s (jour sidéral), à l'équateur, une erreur de 0,1 s correspond à une erreur de 46 m soit à la latitude de Cuba une trentaine de mètres. Colomb pourrait donc avoir atterri sur l’île voisine, qu’il nomma plus tard Hispañola, aujourd’hui Saint Domingue. Entre La Isabela, en République Dominicaine, que Colomb  fonda lors du second voyage et Baracoa l’écart en longitude est de 192 Miles = 355 km soit 355000/300= 1183 sec = 19.7 minutes. Une erreur seulement de 20 minutes sur la mesure du temps après 81 jours de mer, Colomb est pardonné. Mais il reste le livre de bord et la description de la montagne plate…

 El Yunke

 Baracoa by night

 Et, de jour

Les indiens Tainos, indigènes de l’île furent massacrés par les colons espagnols, des gens sans âme, quelle importance ! Leur non immunité aux maladies européennes (grippe, variole …) décima les survivants. Leur grand chef, Hatuey, un héros local fut condamné au bûcher. Juste avant de mourir, pressé par un prêtre de se convertir afin de «faire son salut », Hatuey demanda si les Espagnols morts allaient au paradis; devant la réponse affirmative du prêtre, il aurait déclaré ne pas vouloir s'y rendre. Pas fou cet Hatuey ! Son buste trône sur la place de l’Indépendance en face de l’église, revanche de l’histoire. Plus loin au bout du Malecon, le front de mer, la statue de Christophe.


Baracoa, c’est la plus ancienne des villes cubaines.  Son long isolement en fait un lieu unique où même les   traditions culinaires sont particulières dont la noix de coco constitue l’ingrédient principal : pudin de boniato (sucre, lait de noix de coco et pâte de patate douce) ; yemitas (petites boules de chocolat, noix de coco et sucre), le   délicieux turrón de coco (tablette de noix de coco râpé mélangée avec du lait et du sucre). Mais la spécialité la plus étonnante reste le téti, un petit poisson ou alevin, un poisson venu on ne sait d’où. Au mois d’août, des poches gélatineuses s’agglutinent à l’embouchure du rio Toa. Peu à peu ces poches se désagrègent et libèrent des milliers de minuscules poissons, les tétis. Le phénomène dure jusqu’en décembre. Nous sommes en mars et les tétis dégustés au restaurant La Colina sont sûrement surgelés mais, qu’importe, cuisinés au lait de coco, c’est un vrai délice. Car, ce soir, c’est une soirée spéciale, dont le slogan est « Les vieux invitent les jeunes ». Une soirée débutée autour du traditionnel Mojito et terminée en musique. Le patron entraine Françoise de la Réunion dans une Rumba effrénée. Une île danse avec une autre île.

 La Colina

 El chef de la Colina

La ville s’avère particulièrement agréable pendant la nuit, les papilles encore toutes ensorcelées par les saveurs de noix de coco, lorsque la chaleur du jour a disparu et que la brise invite à la promenade. Les  habitants se donnent rendez-vous entre les rues José Martí et Antonio Maceo pour regarder la télé en plein air, écouter de la musique, ou simplement refaire le monde, assis sur les bancs vétustes ou tout simplement par terre, comme s’il s’agissait d’une scène de Macondo, le village surréaliste du roman de Gabriel García Márquez, « Cent Ans de solitude ».

 Cent ans de solitude?

Au pied de la terrasse d’El Castillo, un voile d’ombre enveloppe encore  les petites maisons de bois. Les premières lueurs du jour émettent des scintillements argentés sur les eaux de la baie. El Yunke  se couvre d’éclat, le soleil matinal teinte lentement les pentes. Les petits bateaux de pêche s’éclairent l’un après l‘autre.

 Au petit jour


Tony notre nouveau guide local tient, debout au milieu du bus, à notre demande, un briefing et explique le programme des randonnées du jour et du lendemain.

Les quatre derniers jours avant de nous envoler vers La Havane seront placés sous la bannière nature. 

                                                   Sur les pas de Tony







Les sentiers de terre rouge  bien tracés par Tony, ingénieur agronome et responsable des parcs naturels de la région, guideront nos pas dans la tiédeur environnante.

Une première montée de deux heures, bien transpirante, dans la forêt tropicale où alternent, palmiers royaux, manguiers en fleurs et bananiers à observer  les millepattes et les escargots multicolores, nommés polymitas, une espèce endémique. Puis, c’est le bonheur, de s’arrêter chez une famille paysanne qui nous prépare des noix de coco dont on se désaltère. Entre les arbres la mer apparait en pointillé. 




Deux heures de descente plus loin, la merveille est au bout du chemin, une plage de sable blanc, cocotiers et eaux turquoises. La sueur accumulée est immédiatement dissoute dans cette eau qui doit effleurer les 28 oC. Dans l’eau, face à la plage vierge on se prend à projeter des images de science-fiction cauchemardesques : une grève bordée d’hôtels cinq étoiles, de pontons et de fast food.  Yeux ouverts, bien réveillés, la nature est toujours là, intacte. C’est promis, aucun d’entre nous ne communiquera la position de cet endroit. Tony avait tout prévu. Une famille du coin avait préparé un copieux pic-nic ou rien ne manquait, plats chauds et bières fraîches. Vraiment insolite dans ce coin perdu.




Un dernier effort à travers la mangrove, un passage de pont branlant, vestige post-ouragan et les allibertins viennent souffler dans la fraîcheur du bus climatisé avant la bienfaitrice douche d’El Castillo.



Mojito !



Une majorité adore le chocolat sans se douter de la complexité du processus de fabrication de la cabosse à la plaque emballée.

Heureusement Carmen, est là dans sa cabane blottie au milieu des cacaoyers pour nous expliquer, aussi à l’aise que l’animatrice Julie lors de ses Carnets sur France 3. Mais laissons-lui la parole.

 Cabosses

 Carmen et son cours de chocolat

« Juste après la récolte, les cabosses, fruits du cacaoyer, sont fendues avec une machette et vidée de leurs fèves et de leur pulpe. Les fèves sont égrainées, triées, et placées dans des bacs recouverts de feuilles de bananier où on les laisse reposer environ une semaine en les brassant régulièrement.

Goûtez moi cette fève naturelle. Sucez, mais ne croquez pas !



C’est très amer, encore très loin du chocolat



Suivent trois fermentations qui vont débarrasser les fèves de leur pulpe, et réduire leur goût amer.

Les fèves qui étaient  blanches au moment de la récolte, virent après la fermentation au violet-pourpre voire rouge à brun chocolat en profondeur.

Les fèves sont alors séchées au soleil ou dans des séchoirs pendant 15 jours .

Goutez les fèves à ce stade.



On reconnait le goût de chocolat.



Elles sont ensuite expédiées et le reste du traitement se déroule en chocolaterie. Ici c’est la chocolaterie que le Che a inaugurée en 1963.

Comme pour le café, les fèves sont torréfiés afin d'augmenter leur arôme. Cette phase se déroule après nettoyage des graines dans un torréfacteur. Les fèves sont cuites à cœur avec leur coque puis elles sont décortiquées et ensuite broyées La torréfaction dure en général 40 minutes à 140 °C.

La poudre est alors fondue pour obtenir une pâte visqueuse malaxée : la masse cacao . Chauffée à 100-110 °C, cette pâte devient liquide : c'est la liqueur de cacao. Le beurre de cacao est ensuite séparé de cette liqueur. Ce beurre est un remède contre tout problème cutané. Même les vergetures sont guéries par ce médicament naturel miracle. Je vends pour qui ça intéresse 5 CUC le petit pot en …

Goutez-moi ce chocolat moulé. C’est du cacao 100%.

Je vous remercie de m’avoir écoutée»



Comment, il y plus de 3000 ans les ancêtres des Mayas ont-ils pu inventer une séquence de fabrication aussi complexe ? Rien qu’en regardant une cabosse, ce n’est pas évident !



En route pour le parc de Humboldt à 40 km à l’ouest de Baracoa. En gros, le petit bus a remis le cap sur La Havane.

Alexander von Humboldt, un naturaliste allemand, esprit universel , géologue, biologiste, zoologiste, météorologue … - et bien d’autres spécialités encore - organise  en 1799, à l’âge de trente ans, une expédition vers « les Amériques ». Il restera près de deux ans à Cuba période pendant laquelle il récolte, avec son copain Bonpland, de nombreux animaux, et 20 000 spécimens botaniques. Son apport à la démarche scientifique est considérable. Humboldt est considéré comme “le second découvreur de Cuba” à cause de ses multiples recherches scientifiques et sociales – Humbolt était en particulier très choqué par l’esclavagisme.

Les présentations étant faîtes, découvrons le parc qui porte le nom de cet illustre scientifique.

Mais pourquoi ce parc fut-il inscrit au Patrimoine Mondial de l’Unesco en 1991? 

Parce qu’il contient environ un tiers des mammifères et des insectes, un cinquième des oiseaux et une grande majorité de reptiles et d’amphibiens propres à l’île de Cuba, voire des espèces localement endémiques. En ce qui concerne la biodiversité marine, le lamantin des Caraïbes mérite d’être distingué comme espèce emblématique.

La liste est impressionnante : 145 espèces de fougères, plus de 1.300 plantes à graines, dont plus de 900 sont endémiques à Cuba et plus de 340 endémiques localement.  

Attention ! Interrogation écrite : on veut connaître les noms latin des 145 types de fougères !

Selon l’Unesco: « L’un des écosystèmes terrestres insulaires et tropicaux le plus divers du monde sur le plan biologique ».

Une des raisons de cette richesse botanique : l’exposition aux alizés associée à la topographie montagneuse de la côte nord-est en font la région la plus pluvieuse et la plus fraîche de Cuba.

La nature est seule maître, pas d’hôtel, pas de village. L’être humain, nous touristes voyeurs, devons nous considérer comme simples invités. 



 Notre suite au parc Humboldt

Trois sentiers sont actuellement ouverts au public, tous les trois tracés et débroussaillés par Tony et son équipe, Tony, notre guide, l’ingénieur agronome responsable.

 Humboldt et Tony, deux scientifiques, deux époques




  
La petite troupe s’accroche aux semelles de Tony qui désigne les espèces les plus emblématiques, localise les oiseaux dont il distingue les chants. Ce qui est frustrant, c’est que lui voit immédiatement un tocororo, un pic vert, un merle vantard, ou un perroquet amazone et nous, aveugles, écarquillons nos yeux aveugles.

 Tocororo, l'emblême de Cuba
  
Nous ne grimperons pas sur la crête d’El Toldo qui culmine à 1175 m. Tony a sans doute jugé les Helvètes bien trop lents.

Nous redescendons vers l’entrée du parc où est situé le refuge qui va nous accueillir deux nuits. Allibert avait dit « rustique » C’EST rustique, très rustique.

Baraque-dortoirs très bien ventilés par le jeu entre les planches. Lits superposés grinçants aux matelas militaires qui datent probablement des débuts de la Revolucion, toilettes modèle château du moyen-âge avec planche en bois percée d’un trou et tas en dessous nauséabond. Pour la douche plonger une casserole dans le grand réservoir en plastique bleu et se la verser sur la tête. Un truc qui ne tombe jamais en panne. Mais les responsables du refuge se démènent pour rendre le séjour agréable. Diner sous le toit de bois de palmier royal préparé par la cheffe qui orchestre tout, un one woman-show : préparation du dortoir, cuisine etc…

  Une cuisine ....


 ... une douche ....

  ... des toilettes... mais que demandez-vous de plus ?

Rustique donc mais dans un site superbe, au milieu de la forêt tropicale dominant une baie bien fermée par une étroite passe, un autre trou à cyclone. Au petit jour ou au coucher du soleil, venez donc vous faire dévorer par ces agressifs gégènes, ces insectes minuscules, invisibles qui se disent « Chouette des touristes à la peau si tendre ! » Quand on vous disait que la faune était variée.

Deux barques se balancent amarrées à un petit ponton branlant, au pied de la butte du refuge Humboldt qui surplombe la mer. Comme alternative à la troisième marche, sans hésiter, Tony nous avait recommandé ce tour en barque autour de la baie. Dayan sera notre guide-rameur de vingt ans. Les rives sont longées sans bruit tandis que Dayan rame debout face à la proue, comme sur une plate du marais poitevin. De petits barracudas longent le rivage glaiseux de la baie qui doit servir de nursery avant leur départ, adultes, vers le large. Des poissons-lions en grande quantité, poissons bizarres affublés de longues épines venimeuses et d’une dangereuse crinière. Originaire de l'océan indo-pacifique, le poisson-lion a envahi la Caraïbe à une vitesse fulgurante. Son arrivée dans la région aurait été provoquée par la destruction d'un aquarium de Floride, en 1992, pendant l'ouragan Andrew. Sa population a véritablement explosé depuis 2008.




 Dayan

 
 Piles d'amarrage en cas de cyclone
« Je vais vous montrer quelque chose » dit Dayan. Quelques coups de rame, Dayan abaisse une branche et nous désigne, presque invisible, un nid miniature. Les parents colibri  ne sont pas là mais le minuscule rejeton, boule de duvet gris, pose pour la photo qui fait de lui une vedette internationale. La barque embouque un furo au milieu de la mangrove, enchevêtrement de  palétuviers et leurs racines-échasses. Jusqu’à la fin de notre périple l’espoir de voir un lamantin, une sorte de vache de mer, gros mammifère-herbivore, non ruminant, dont l’activité « dynamique »  consister à nager, dormir, et se câliner. Dayan nous indiquera que seuls 4 spécimens se partagent la baie. Pas de chance, nous ne les verrons pas.

 
Mangrove

 




 Nid de colibri

La vie de robinson s’achève. Les bagages sont embarqués à l’arrière du bus, Giovanni a fait ronronner le moteur pour alimenter la clim, nous quittons le refuge de Humboldt en nous grattant, souvenir de nos amis les gégènes. Au programme 200 km, soit cinq heures de route jusqu’à l’aéroport d’Holguin d’où le petit groupe doit s’envoler vers La Havane. Ce sera du direct. La halte déjeuner à Moa sera sautée au prétexte qu’il faut arriver au plus vite à l’aéroport. Au passage les onze otages voient défiler les mines de nickel de Moa. Cuba est en effet le sixième producteur de Nickel et de Cobalt de la planète, la plus importante source de revenu d’exportation du pays. Côté négatif, cette exploitation pose de gros problèmes de pollution dans la région.

En route pour Holguin

C'est nickel!


A 15.45 nous sommes assis dans la salle d’attente de l’aérogare de l’aéroport d’Holguin. L’avion décolle à 23.15 !!! Nous découvrirons Holguin dans une autre vie. Un autre petit chef-d’œuvre d’organisation.
Le A320 fait taxi sur le tarmac de l’aéroport de La Havane, s’immobilise et onze zombies, dispersés par le vol, s’extraient de la carlingue pour s’engouffrer une demi-heure plus tard, bagages récupérés, dans un bus frère jumeau du précédent.

Le bus se range le long de la place face au musée de la Revolucion que personne n’a plus envie de faire à 2.00 am. Très courageuses, nos logeuses ont veillé bien tard pour attendre ces curieux touristes noctambules. 

 Notre "villa" à La Havane

Nous ne verrons pas grand-chose du Centro Habana et du Malecon, longeant la mer sur plus de 6 km de long, les Champs-Elysées de la Havane. Au bout du Malecón, une curiosité : la mission économique des Etats-Unis. Véritable bunker américain au cœur de la capitale cubaine, le bâtiment doit faire face à une flopée d’affiches anti-impérialistes et autres slogans volontairement provocateurs. Mais, la roue tourne et ce bâtiment devrait bientôt abriter la nouvelle ambassade US lorsque Barak et Raul, après les poignées de mains, finiront par se donner de grandes tapes dans le dos. 

 Le Malecon, la Croisette locale

 Le Malecon dans les années 30
 

Mais un rapprochement des États-Unis avec Cuba n’entrainera-t-il pas des investissements US massifs avec  en prime un désastre culturel ? Pour le reste de ce quartier, ce sera un survol et quelques autres étonnements et interrogations comme ces anciennes belles demeures quelquefois transformées en logements conformément aux objectifs de la Revolucion. Mais qui habite celles, très bien retapées, et toujours individuelles ? Les notables du régime ? Même vu à travers les vitres du bus cette visite ne peut pas laisser de côté l’actualité et la politique. Enfin, l’incontournable cliché,  photographier une vieille voiture américaine passant devant le Capitole. La photo n’a pourtant rien du cliché. Les belles mécaniques des années 60 restent toujours aussi rutilantes, à force d’entretien et d’ingéniosités prêtes à embarquer, pour un tour, un touriste nostalgique.

Nostalgie

La Havane c’est surtout flâner et respirer la vieille ville coloniale toute imprégnée de 5 siècles d’histoire, mélange de conquête espagnole et de Revolucion.

Dans la Habana Vieja, c’est un dédale d’étroites rues pavées, de très belles demeures de la noblesse ibériques, patios, balcons, grilles en fer forgé… relent d’Espagne, et plus particulièrement d’Andalousie, transformées en hôtel ou en musée, fastueux palais.


















 

De nombreux chantiers de rénovation sont en cours. Mais il faut savoir que pendant la première moitié du XXème siècle, la vieille ville tombait déjà en ruines, tout semblait alors condamné à l’abandon. Sauver la ville fut alors un grand défi, et 1937 marqua le démarrage de la rénovation. Cette année-là fut créé le Bureau de l’Historien de La Havane, en charge toujours aujourd’hui de la préservation de la ville sous la direction d’Eusebio Leal. La Vieille-Havane ayant été déclarée par l’Unesco Patrimoine de l’humanité, l’historien s’est mis à l’ouvrage. Au terme de nombreux débats et pourparlers, une loi a été adoptée, en vertu de laquelle l’Office de l’Historien de la ville pouvait mettre sur pied une branche commerciale lui permettant de se procurer des devises qui seraient par la suite investies dans le programme de restauration du centre historique. Passant du jour au lendemain d’un anonymat relatif à une reconnaissance publique, Leal est devenu directeur général d’Habaguanex – société holding à laquelle sont rattachés tous les hôtels, restaurants et sociétés immobilières de la Vieille-Havane – sans jamais abandonner ses responsabilités en tant que directeur du musée de la ville et historien de la ville de La Havane. Habaguanex emploie actuellement plus de sept mille personnes qui se chargent des travaux de restauration et de direction.

Et si les Havanais peuvent être fiers de vivre dans une ville inscrite au Patrimoine de l’Humanité, cela est dû en grande partie aux efforts de l’Historien de La Havane pour la sauver. « Cependant toute grande œuvre doit être toujours protégée par un État cultivé, qui met la culture à sa juste place, et par chance, nous avons pu compter sur cet appui », aime-t-il répéter.

Intéressant à savoir lorsque en flânant dans la ville on lève les yeux vers ces facades en cours de rénovations ou d’autres criant « et après, c’est à mon tour ».

La pièce de théatre se joue en trois actes, sur trois places : la place de San Francisco de Asis, la place d’Armes et la place de la Cathédrale.

Haut lieu de la vieille Havane, la plaza de la Catedral est marquée par ce chef-d’œuvre du baroque jésuite, ordre chargé des plans et de  la construction. Mais les Jésuites, comme souvent, prenaient beaucoup de place en occupant beaucoup de postes clé. Charles 3 d’Espagne  trouvant qu’ils allaient un petit peu trop loin, les chassa en 1767. Les travaux de la cathédrale furent achevés 10 ans plus tard. A part ces péripéties historiques, la place dans son ensemble ainsi que la façade de cette cathédrale sont une merveille d’harmonie. Face à la cathédrale, un portail accueillant, celui du Palais  des comtes de Bayona, débouchant sur un patio colonial jaune et bleu à l’ombre d’un immense palmier. Les belles salles meublées donnent un aperçu de la vie de la noblesse aux 18ème et 19ème siècle.

 Plaza de la Catedral



 Palais  des comtes de Bayona

A quelques encablures, la plaza San Francisco de Asis cernée de terrasses de cafés accueille la bourse du commerce coiffée d’une statue d’Hermès et bien entendu l’Eglise de Saint François construite entre 1570 et 1591, soit deux siècles plus tôt, par les Franciscains, ces antipodes des Jésuites. Sur la place Saint François d’Assise, une petite fille courre derrière un pigeon. Normal non ?

La Place Saint François d'Assise


La plus vieille des trois places, la place d’Armes, réalisée en 1582 résonne encore d’arquebuses, d'épées, de piques ou masses d'arme. La place est animée par des dizaines de bouquinistes installés autour du square. Inutile de chercher un livre d’un exilé Cubain ! En revanche vous trouverez tout sur le Che, Fidel ou Alejo Carpentier chantre du régime. Un black nous aborde « regardez, j’ai un superbe livre de photos consacré au Che, il est même en Français » la langue française fleure bon le créole. Haïti n’est pas loin.

 Plaza de Armas



En bout de la place de la Cathédrale nous embouquons la Calle Empedrado. Au 215, une belle demeure coloniale attire l’oeil. « entrar por favor, bienvenido!” L’homme est rond, souriant et sympathique. “Ce que vous voyez là est la maison de Alejo Carpentier décrit dans son roman "Le siècle des Lumières". Et le guide explique planté au milieu de la cour centrale, l'histoire de la maison, montre une pièce avec des photos de Alejo Carpentier tout au cours de sa vie. Parents français, né à Lausanne, ce célèbre écrivain devenu Cubain fut un fidèle soutien de Fidel.

                                             "Le siècle des Lumières"


 Alejo Carpentier


Perchés sur la terrasse de la Bodeguita del Medio, deux Helvètes soignent leurs rotules au moyen d’un mélange de langoustes, camarones et mérou en bonne place dans la pharmacopée cubaine. 



La Bodeguita, un bon endroit pour commencer un autre pèlerinage incontournable de La Havane, Hemingway. Ici, l’épicurien barbu est omniprésent. Le grand Ernest avait l’habitude de commencer sa tournée à la Bodiguita où il commandait son premier Mojito avant de gagner le restaurant « La Floridita » ou, disait-il les Daïquiri sont inoubliables. Vous pouvez passer, il est toujours là.

 Un Daiquiri! Un!

En continuant notre flânerie, on ne peut résister à la terrasse du café de Paris ou un orchestre de Jazz, saxo, piano et percussions se déchainent.




La pose musicale terminée, retour à la littérature en levant les yeux vers l’hôtel Ambos Mundos, Calle Obispo, à deux pas de la Plaza de Armas. Au deuxième étage un rideau bouge, c’est la chambre 511, Hemingway est en train d’écrire « Pour qui sonne le glas ».

La calle Obispo, la rue marchande centrale de la vieille Havane. On s’y bouscule. Boutiques, bars et restaurants, musique bien sûr la promenade mythique de la vieille Havane.

Une enseigne « Barbero – Peliquero » attire l’œil, on s’engouffre car le captain a pour principe de se rendre dans ce genre de lieu détestable uniquement lorsque la barbe trempe dans la soupe. Ici le mot détestable ne s’applique en rien car le barbier est une barbière jeune et jolie. Cette belle Cubaine entame la conversation : « Tiens c’est amusant, je viens juste de tailler la barbe d’un homme qui vous ressemble, un écrivain américain qui habite à deux pas ». Ben voyons !

Dans cette ville qui est restée éminemment populaire, on cherche surtout à capter des instants de vie : troupe de danseurs-musiciens, partie de foot entre enfants, commérages de balcon à balcon des vieilles fumeuses de cigare, des animateurs de rue… Restaurations, réhabilitations ont du mal à faire disparaitre l’ambiance hors du temps de la vieille Havane, et c’est tant mieux.








En conclusion, si on me donnait le choix entre Cuba et Wall Street, sans hésiter je choisis Cuba.

Cuba, arrêt sur image.

Pour finir, l'indispensable WHO'S WHO, les photos de 
 
vacances en quelque sorte :












































































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