La route 66
« La
nationale 66 est la grande route des migrations. 66… le long ruban de ciment
qui traverse tout le pays, ondule doucement sur la carte, du Mississipi
jusqu’à Backersfield,,, à travers les terres rouges et les terres grises,
serpente dans les montagnes, traverse la ligne de partage des eaux, descend
dans le désert terrible et lumineux, d’où il ressort pour de nouveau gravir les
montagnes avant de pénétrer dans les riches vallées de la Californie.
La 66
est la route des réfugiés, de ceux qui fuient le sable et les terres réduites,
le tonnerre des tracteurs, les propriétés rognées, la lente invasion du désert
vers le nord, les tornades qui hurlent à travers le Texas, les inondations qui
ne fertilisent pas la terre et détruisent le peu de richesses qu’on y pourrait
trouver. C’est tout cela qui fait fuir les gens, et, par le canal des routes
adjacentes, les chemins tracés par les charettes et les chemins vicinaux
creusés d’ornières les déversent sur la 66. La 66 est la route mère, la route
de la fuite.
Sur la
62 : Clarksville, Ozark, Van Buren et Fort Smith, et c’est la fin de
l’Arkansas. Et toutes les routes qui mènent à Oklahoma City : la 66 qui
descend de Tulsa, la 270, qui monte de Mac-Alester, la 81, de Wichita Falls, au
sud, de Enid au nord. Edmond, Mac-Loud, Purcell. La 66 à la sortie de Oklahoma
city ; El Reno et Clinton sur la 66, en allant vers l’ouest. Hydro, Elk
City et Texola ; et c’est la fin de l’Oklahoma. La 66 traverse l’enclave
du Texas. Shamrock, Mac-Lean, Conway et Amarillo la jaune. Wildorado, Vega et
Boise, et c’est la fin du Texas. Tucumcari, Santa Rosa et l’arrivée dans les
montagnes du New Mexico jusqu’à Albuquerque où aboutit la route qui descend de
Santa Fe. Puis la descente du Rio Grande jusqu’à Los Lunas et de nouveau vers
l’ouest, sur la 66 jusqu’à Gallup. Et c’est la frontière du New Mexico.
Et maintenant
les hautes montagnes. Holbrook, Winslow et Flagstaff sous les hautes cimes de
l’Arkansas. Puis le grand plateau qui ondule comme une lame de fond Ashfork et
Kingman et de nouveau des montagnes rocheuses où il faut charrier l’eau pour la
vendre. Puis, à la sortie des montagnes tourmentées et rongées de soleil de
l’Arizona, le Colorado avec les roseaux verts de ses berges. Et c’est la fin de
l’Arizona. La Californie est là, juste de l’autre côté du fleuve, et une jolie
petite ville pour commencer, Needles, sur le fleuve. Mais le fleuve ne s’y sent
pas chez lui. De Needles on gravit une chaîne calcinée et de l’autre côté,
c’est le désert. Et la route 66 traverse le désert effroyable où la distance
vibre et miroite et où les montagnes sombres hantent insupportablement
l’horizon. Enfin on arrive à Barstow, et c’est encore le désert jusqu’à ce
qu’enfin les montagnes s’élèvent, les bonnes montagnes, entre lesquelles
serpentent la 66. Puis, brusquement, un col, et, tout en bas, la belle vallée,
les vergers, les vignobles et les petites maisons et dans le lointain une
ville. Oh ! c’est enfin terminé ! »
Les Raisin de la
Colère
Chapitre 12
John Steinbeck
1939
Chapitre 12
John Steinbeck
1939
Avant de s’embarquer sur cette route
mythique faisons place à un petit peu d’histoire.
Au 19ème siècle, les Etats-Unis
ne possèdent aucun réseau routier digne de ce nom mais un enchevêtrement de
pistes et de chemins. Au milieu de ce siècle, près d’une année était nécessaire
pour joindre en diligence ou en chariot les deux côtes atlantique et pacifique.
Il était alors beaucoup plus efficace de monter à bord d’un clipper pour relier
New-York à San Francisco. La révolution créée par l’arrivée de l’automobile et
en particulier de la Ford T accessible au plus grand nombre incita le
gouvernement fédéral à mettre en œuvre une politique visant à mettre en place
un réseau routier. Car si dès 1869, 3 jours étaient nécessaires pour relier en
train Chicago à Los Angeles, le trajet en voiture était une véritable aventure
qui prenait des semaines. Une route carossable devenait de plus en plus
indispensable pour développer le pays. Le projet fut confié à Cyrus Stevens de
Tulsa en Oklahoma qui réussit à fédérer 8 états et le tracé fut définitivement
adopté en 1925 sous le nom de US Highway 66. En 1926 les premiers 800 Miles
étaient pavés, en 1929 l’Illinois et le Kansas avaient terminé le bétonnage, mais
il fallut attendre 1937 pour que le ruban de béton de 2448 Miles soit
entièrement terminé entre Chicago et Los Angeles.
Cette route 66 reçut différentes
appellations : « Main Street of America », « Mother
Road », “Will Rogers Highway »…
Au début des années 30, la sécheresse et les
tempêtes de sable frappent l’Oklahoma et l’Arizona, le “Dust Bowl”, ruinant de
nombreux fermiers et les poussant à l’exode vers l’ouest, vers la terre
promise, la Californie. 3 millions de réfugiés se retrouvèrent emprunter la
route 66, dormant dehors, faisant face à un ravitaillement très difficile. Une
épopée magnifiquement racontée par John Steinbeck dans « Les raisins de la
colère ».
La 66 commence alors à s’équiper et
l’inventivité américaine est en effervescence : les premières stations d’essence,
les premières stations-services, les premiers motels, les premiers fast food,
les premiers drive in, les premiers cafés 24/24, toute l’infrastructure
routière aujourd’hui banale fut inventée le long de la 66.
Pendant la guerre la 66 devient
l’indispensable voie de transport des troupes qui viennent s’entrainer avec
Patton dans les déserts de l’Arizona avant de se retrouver dans le désert
Lybien, et du transport d’armes et de matériel de guerre.
Des 1946, les voitures civiles prennent le
relais. Une nouvelle vague de migration vers la Californie en plein boom
économique est en marche : 8 millions d’Américains se lancent vers l’ouest
sur la route 66.
« Get your kicks on route 66” chantent Bobby Troup et Nat King Cole
en 1946.
Pendant les années 50 les Américains découvrent
les loisirs touristiques et empruntent la 66 pour partir à la découverte des
parcs nationaux et des merveilleux paysages le long de son tracé. Le succès est
tel que la route est bientôt saturée et devient dangereuse.
Eisenhower, lors de son avancée à travers
l’Allemagne en 1945 avait été très impressionné par le réseau d’autoroutes très
en avance sur son époque. Après son élection à la présidence des Etats-Unis il
lance le programme « Interstate Highway System » et peu à peu la 66
fut doublée par une autoroute plus sûre et plus rapide. Les petites villes
disséminées le long de la 66 déclinèrent, certaines devinrent même des villes
fantômes.
Au début des années 70, la 66 changea de
nature en inspirant le mouvement beatnik, avec camping-cars colorés et fleuris en
quête de voyages authentiques, un mouvement en révolte politique et sociale face à ce nouvel
ordre mondial incarné par le réseau autoroutier. Des artistes s’installent le
long de la Mother Road, des associations se créent pour sa sauvegarde, la
première, Route 66 Association of Arizona est mise en place par Angelo
Degadillo, le barbier de Seligman, aujourd’hui âgé de 88 ans qui coupera les
cheveux du narrateur comme on le verra plus loin. Des films de légende voient
le jour : « Les raisins de la colère », « Easy
rider », American graffiti », Bagdad café », « Thelma et
Louise », et bien sûr « Cars »-
Aujourd’hui chacun des 8 Etats traversés a
son association, le président Clinton fit voter des fonds pour la sauvegarde de
la route 66 qui est maintenant classée « Monument Historique
national ».
Alors perpétuons la légende, suivez-nous.
Nous sommes à Chicago. En route pour LA ! Pas de temps à perdre, nous
avons 8 états à traverser : Illinois, Missouri, Kansas, Oklahoma, Texas,
New Mexico, Arizona et Californie.
Chicago
A Chicago, la plus grande ville de l’Illinois, 8 millions d’habitants, troisième ville du pays, la route 66 est encore en devenir. Avant de venir saluer la pancarte « Route 66 Begin » et de nous élancer au milieu des grandes plaines fertiles, flânons dans la grande cité, cette boîte à courants d’air des bords du lac Michigan.
A Chicago, la plus grande ville de l’Illinois, 8 millions d’habitants, troisième ville du pays, la route 66 est encore en devenir. Avant de venir saluer la pancarte « Route 66 Begin » et de nous élancer au milieu des grandes plaines fertiles, flânons dans la grande cité, cette boîte à courants d’air des bords du lac Michigan.
Si la ville est immense, le centre-ville, Downtown,
est de taille humaine et tout à fait « piétonnable ». « Une
petite grande ville » en quelque sorte. L’architecture de Chicago et son
école propulse la ville aux avants postes de l’architecture moderne dès la fin
du 19ème siècle « grâce », si l’on peut dire, à l’incendie
de 1871 qui ravagea la ville et permit de repenser complètement architecture et
urbanisme. Guide à la main et nez en l’air nous trollons autour du Loop pour un
« Architecture walking tour » en égrenant une sorte d’inventaire de
Prévert : Chicago Cultural Center de 1897 ; le Carbide and Carbon Building
de 1929 pur Art déco revêtu de granit noir poli, de marbre noir et de
terra-cota vert foncé ; les deux tours Marina City, sortes d’épis de maïs
plantés au bord de la Chicago River, 65 étages d’appartements avec balcon, et
une marina pour garer son joli canote au rez-de chaussée, un logement qui
conviendrait parfaitement au Captain ; Le Merchandise Mart de 1931 au magnifique intérieur Art Déco ; La Chase
Tower and Plazza où les employés du coin grignotent au milieu des jets d’eau leurs
sandwichs ou salades diététiques en les accompagnant d’une boisson bien
sucrée, pour compenser; l’étonnante Rockery de 1888 au lobby Art Nouveau, mélange de fonte peinte
et de verre ; et bien d’autres encore. Mais l’incontournable reste la tour
Willis, autrefois tour Sears qui domine la ville de ses 440 m. Une montée extrêmement douce sans
ressentir d’accélération en moins d’une minute (vitesse ascensionnelle 488
m/min !!!). Sur le plateau supérieur, certaines zones du sol sont en
surplomb et vitrées. Frissons garantis, avec presque un demi-kilomètre sous les
pieds. Pour le captain, la limite c’est la tête de mat.
Chicago River
Marina Towers
Au coin des rues également ça swingue.
L’architecture Chicagoane vue par un piéton c’est bien mais
vue depuis le pont d’un bateau descendant la Chicago River, c’est nettement
mieux et tellement plus reposant pour les hanches et autres rotules… et sortir
« en mer » sur les eaux du Michigan pour jouir d’une vue générale sur
cette forêt d’acier et de verre, arbres futuristes noirs, bleus, dorés,
immenses façades où funanbulent des petits hommes oranges suspendus à des
nacelles, que l’on entend d’ici téléphoner à leur femme « Chérie je fais
les vitres, je rentre dans un mois ».
Au cœur de la ville, Grand Park et Millenium Park apportent ce ballon d’oxygène si nécessaire aux citadins stressés. Ici tout est ludique pour se détendre et faire sourire. Une autre retombée heureuse du grand incendie de 1871. Grand Park, c’est tout simplement l’accumulation des débris du sinistre jetés dans le lac. Statues insolites, pièces d’eau ou piétinent les enfants, haricot géant en inox poli où se mirent, déformés, passants et gratte ciels voisins, salle de spectacle mi-intérieure mi-extérieure aux formes sans forme dont seul Gehry a le secret. Pas de gradins, seulement une pelouse inclinée face à une scène surélevée, un remake de Woodstock.
Très vite, en un jour ou deux, le voyageur s’approprie la ville, prend ses repères, enregistre les orientations, prend même des habitudes. Au petit matin, car le décalage horaire est-ouest est encore vivace, cap au sud sur Dewitt Street suivie de Fairbanks où, au 620, le West Egg café nous accueille pour un solide petit déjeûner du genre « on saute le déjeûner !». Descente au bord de la Chicago River à la hauteur du Michigan avenue Bridge pour marcher à fleur d’eau, le long du « Riverwalk », une superbe réalisation récente, un autre poumon pour la ville. Piétons, cyclistes, planches à roulettes profitent du tracé boisé, ondulant entre les ponts. A la hauteur de Clark avenue la promenade poétique fait place à des marteaux piqueurs, une seconde phase est en cours de réalisation qui en doublera la longueur l’année prochaine. En attendant le fin des travaux, allons faire un tour sur l’incontournable Michigan avenue, le Magnificent Mile, les Champs-Elysées locaux. Mais les boutiques de luxe ne sont pas vraiment notre truc. On se limitera à une incursion chez Garmin pour acheter un navigateur GPS et un téléphone Pre-Paid chez AT&T, car le départ sur la Route 66 est pour le surlendemain.
Les kilomètres, pardon. Les miles, parcourus à pied dans Chicago
commencent à nous rappeler que nous ne sommes plus des teenagers et que
superposer un voyage en avion de 10 heures un décalage horaire de 8 et battre
la semelle à longueur de journée sur le Macadam de la ville est peut-être un
peu trop.
Tiens ? Qu’est-ce que l’on fait cette après-midi ? Si on
allait au Navy-Pier si chaudement recommandé par le gardien de la bibliothèque
municipale. En avant pour le Navy-Pier. Imaginez une langue de terre qui
s’avance dans le lac, une sorte de quai sur lequel sont plantés des hangars
hétéroclites, peu accueillants, affichant halls d’expositions, musées, jeux
pour enfants salles de conférences. Intrigués vers l’extrémité de la digue nous
rentrons dans un de ces halls manifestement prévus pour des conférences.
D’immenses couloirs déserts mystérieux,
kafkaïens, de temps à autre un individu pressé, dossier sous le bras
sort d’une porte, fait quelques pas et entre par une autre porte. Aucune
indication, aucune direction. Plus loin une séance de coaching du genre
« Devenez les meilleurs vendeurs de moutarde du Pays » ou plus loin
« Séminaire : Comment améliorer votre façon de prêcher ». suivi
de dizaines de salles vides. Plus loin encore trois hommes en costard-cravate-attaché
case dissertent. Peut-être le thème de la conversation est-il « Comment être
plus top que top ». A l’extrémité d’une immense salle entièrement vide, un
minuscule kiosque marqué « Information ». « Bonjour mademoiselle
pouvez-vous nous indiquer les activités les plus intéressantes en ce moment sur
la Navy Pier ? » « Oh, en ce moment il n’y a pas grand-chose,
peut être prenez un bateau pour faire un tour sur le lac, ou alors il y a
l’I-Max » L’hotesse était ravie de pouvoir enfin converser avec quelqu’un…
Pour mémoire signalons que cette Pier mesure 2km sur 500m ! vers la racine
de la jetée un I-Max et des manèges.
Chicago waterfront
Depuis une heure ou deux la situation commence à se détériorer.
Catherine est littéralement épuisée, s’arrête et s’assied sur tous les bancs
visibles et surtout tousse beaucoup. Retour à l’hôtel.
La nuit fut épique. Une toux continuelle impossible à stopper. Au petit
jour la situation est critique. Catherine a perdu sa voix remplacée par un
gazouilli du niveau sonore équivalent à celui d’un oisillon tombé du nid :
un « tui-tui-tui » suivi d’un « arrgh-arrgh ». En mettant
mon oreille contre sa bouche je réussis à distinguer « Je….
veux…mourir ». Là, les choses se précipitent. Habille-toi nous allons voir
un médecin. Descente à la réception sélection
d’un bon hôpital. On me conseille le « Rush » « The best in the
country !». Taxi. Une demi-heure de trajet qui parait éternelle. Entrée aux
urgences du Rush Hospital. A partir de ce moment l’organisation et la qualité
américaine entrent en action.
Formalités d’entrée réduites au minimum, prise en charge dans une première
salle par une infirmière chef pour les analyses de base, sang, capacité respiratoire,
tension… Seconde
salle, intervention d’une interne « I am Sarah. Fellow resident at the
Rush Hospital ». Questionnement. Réponses
de Catherine “Tui-tui-tui arrgh-arrgh” et traduction de Ge. Intervention d’un
radiologue avec appareillage X mobile. Intervention de l’urgentiste en chef. Diagnostique:
combinaison d’asthme, d’allergie aux nombreux pollens en suspension en ce
moment à Chicago, le tout superposé à un refroidissement. Pas de problème aux
poumons. Ordonnance avec au programme un traitement de choc qui va transformer
Cat en zombie mais la remettra sur pieds en trois jours.
Bravo la médecine
US. Mais le choix du Rush était excellent : “Named a top U.S.
hospital by U.S. News & World Report, Rush University Medical Center is one of Chicago's finest academic medical centers”.
Rassurés la Route 66 revient à l’ordre du jour.
La route
En guise d'amuse-gueule, un petit aperçu de la 66:
L'illinois
En guise d'amuse-gueule, un petit aperçu de la 66:
L'illinois
C’est l’heure du départ, Cat dort dans le lobby de l’hôtel, la Camaro cabriolet gris métallique est garée devant l’entrée, Ge charge les bagages, le Garmin est mis en marche direction Pontiac.
Aujourd’hui, pas question de tourisme sur la
route 66. Cat flotte entre deux eaux et somnole blottie au fond de son siège
baquet, matraquée par son traitement de choc. L’objectif est de la mettre au
lit au plus vite à Pontiac au B&B « Three Roses ». La route 66
est gommée au profit de la directe et rapide autoroute I55. La platitude des
paysages est totale. La Camaro taille sa route au milieu d’une gigantesque
plaine recouverte de loess très fertile, fines particules glacières un rêve
pour tout agriculteur- Les céréales alternent avec les prairies ou des champs
de pommes de terre à l’infini.
Le grenier de l'Amérique
« Tui-Tui-Tui-Arrdg-Arrgh »
traduisez « On arrive bientôt ? » Encore une demi-heure.
Le petit cottage « Three Roses »
est devant nous, boisé et blanc,
quelques marches pour accéder au perron, la porte s’ouvre sur Sharon un moulin
à paroles intarissable, mélange de gloussements, d’onomatopées et de grimaces
adressés tantôt à nous mais surtout à son affreux chihuahua, dont on demande
l’avis à toutes les fins de phrases, son associé en quelque sorte. Le chien
ayant donné son approbation nous pouvons enfin entrer et prendre possession de
la chambre la plus kitch jamais découverte en quarante années de voyages.
Three Roses B&B
Au fond du gigantesque lit et au milieu des
fanfreluches, Cat récupère.
Moquette à fleurs, papiers peints à fleurs,
pas les mêmes fleurs bien sûr, lourds rideaux moirés, trois couches au moins, bric
à brac hétéroclite assemblant meubles de gran-ma, tableaux bien-pensant de gran-pa
pasteur, à la gloire du Christ, Psaumes enluminés, bibelots en nombre, de quoi
alimenté le marché aux puces local plusieurs dimanches de suite… Dommage Cat
dort et ne profite pas du décor.
Ge tente une incursion dans le centre de
Pontiac à cent mètres à peine du B&B. Une place carrée entoure l’hôtel de
ville qui fait aussi office de palais de justice. Quelques gros pick-up colorés
et flambant neufs rappellent la vocation agricole de la région, pas du tout le
genre « Nous autres, pauvres paysans ». Une grosse Honda Goldwing se
gare devant la mairie. C’est le shérif, étoile rutilante, colt 38 à la
ceinture, Ray bans « aviateur », mais… pas de casque ! M’enfin!
Les Ray bans protègent très bien, c’est bien suffisant ! Assis devant sa
Sam Adams, Ge savoure l’Amérique profonde.
Sharon et son affreux chien agitent leurs
mouchoirs sur le perron. La Camaro tente une première incursion sur la 66.
Alternance entre les tronçons originaux 1926-1940 et les plus récents
1940-1970, les premiers du genre « départementale » et les seconds
plutôt style « nationale ». Souvent, la route longe la route
d’origine désaffectée aux dalles de béton mangées par l’herbe. Les haltes sont
oubliées. Cat commence sa convalescence comateuse.
Mother road 1926
Controle de la route dans les années 30
Station 1930
L’étape est heureusement
courte jusqu’à Springfield où nous attend le très confortable 66 Motel and
Conférence center. A peine la Camaro garée et les bagages déchargés, Cat est au
fond de son lit et dort comme un bébé. Les médicaments du Rush hospital sont
vraiment redoutables.
Ge part en reconnaissance, à la découverte
de Springfield, la capitale de l’Illinois- eh non ! Ce n’est pas Chicago –
la ville du grand Lincoln, le président de l’abolissement de l’esclavege. Si
vous ne le savez pas en arrivant, rassurez-vous, au bout de 15 minutes vous
serez au courant.
La cuisine de Mary Lincoln
Resto 66 années 50
Ce bar est vaste, sombre, cerné de 8 écrans
de télé où un match de hokey fait rage, des jeux de fléchettes, des Juke Box,
des machines à sous, un comptoir aux multiples distributeurs de bière, une
bar-maid, le décor est planté.
Peu à peu la rétine accomode sur une
quarantaine de clients d’une espèce inconnue de notre côté de l’Atlantique. Une
société en surpoids. Une vingtaine de femmes affichant sur la balance entre 100
et 200kg habillées sans complexe de mini-jupes, décolletés plongeant sur des
lolos monstrueux, pantalons moulant des fessiers énormes. Un couple de motards,
deux montagnes carnées, se caressent en discutant avec un autre couple aussi enveloppé
qu’eux. Leur rutilante Harley trois roues est parquée juste devant la porte.
Une rousse, sans doute fière d’être redescendue en dessous de la barre des 400
lb pousse de retentissants gloussements. Eclats de rires de toute part. Chaque
nouvel arrivant est serré sur le cœur avec dans le regard un « on t’aime
comme tu es ». Les déplacements sont chaloupés, les jambes lancées à 3o deg
de la trajectoire du buste pour éviter le frottement des cuisses, un coup à
gauche, un coup à droite. Le surpoids ? Tout le monde s’en fout !
Aux machines à sous two black women jouent
leurs derniers quarters, ceux qu’elles ont oubliés de donner à leur cher
pasteur évangélique qu’elles ont honoré cette après-midi à l’occasion de son 70ème
anniversaire. Il fallait bien verser une obole pour ce saint-homme qui roule en
Hummer.
Tombés d’une autre planète, deux joggers
filiformes à la tête d’éternels universitaires, font leur entrée dans le bar
essouflés et transpirants et commandent deux verres d’eau.
La planète est diverse.
Cat sort tranquillement de son coma
médicamenteux. Meilleur regard, meilleur souffle.
Cap est mis sur Springfield downtown et son
incontournable pèlerinage à la maison d’Abraham Lincoln. Au Visitor Center une
Ranger blonde aux yeux de porcelaine prend en main le groupe de 9.40. Deux
Helvètes au milieu d’une douzaine d’US Citizen, très émus de visiter la maison
du grand président dont tout le monde se rappelle l’éternel haut de forme.
Sharon avait sûrement visité et piqué quelques idées de déco pour son
« Three Roses ». Si nous trouvons cet intérieur fin 19ème
déprimant et austère, notre voisine pousse des « I love it ! I love
it ! ». La cuisine où œuvrait Mary Lincoln en toute simplicité est
très exiguë. La même voisine s’exclame « Mais comment faisait elle pour
préparer des repas pour 50 personnes dans une si petite cuisine ? Moi,
quand j’en reçois 5 je suis paniquée et ma cuisine est immense ! ».
Cuisine exiguë, claustrophobique, manque d’air. Cat défaille. Ge la rattrape de
justesse. Allongée sur un banc à l’extérieur, tout le monde s’affaire. La
Ranger apporte des bouteilles d’eau fraiche, une assistante médicale propose
ses services, Lincoln sort de la maison et demande s’il peut faire intervenir
des médecins éminents – non, là, j’exagère ! Une demi-heure et une boisson
tonique plus tard, la Camaro reprend le cap du sud-ouest, Cat bien calée au
fond de son siège baquet, air-conditionné salvateur en marche.
A Mount Olive, autre pèlerinage, plus gauchiste,
plus engagé, sur la tombe de Mary Harris Jones cette syndicaliste du 19ème
siècle qui défendit le droit de grève des mineurs et se battit contre le
travail des enfants. Toute sa vie le poing levé, elle mourut à 100 ans. La
révolte ça conserve comme aimait rappeler Stephane Hessel : « le motif de la résistance c'est
l'indignation ».
A la sortie de Staunton, tous les guides sur
la 66 vous le diront, ne manquer pas le Henri’s Rabbit Ranch, une sorte de
bric-à-brac entassé au fil des ans par un couple de fana de la 66. Le couple
n’est plus là et le « musée » ressemble plutôt à une décharge. Un
couple en Harley passe en pèlerinage et rigole, nous aussi.
Chain of Rocks Bridge
Autre endroit mythique de la route 66 en
Illinois, Le Chain of Rocks Bridge,
pont sur le Mississipi à proximité de Saint-Louis
.
Son côté est se trouve enIllinois, et sa rive ouest
au Missouri. Construit en 1936
en poutrelles d’acier, ce pont de un mille de long et 7 mètres de large a la
particularité de présenter en son centre un angle de 22°, un compromis entre la
difficulté de navigation sur le Mississipi et profiter au mieux du sous-sol
rocheux. Ce choix architectural se révéla dangereux à l'usage, et a provoqué de
nombreux accidents.
Il a été remplacé par un nouveau pont appelé "New Chain of Rocks Bridge" construit en 1966. Restauré et classé Monument Historique en 2006, Le Chain of Rocks Bridge n'est depuis accessible qu'aux piétons et cyclistes alors, profitons-en, admirons ce treillis de poutrelles qui a dû faire plancher quelques ingénieurs sur les méthodes de Cremona ou de Cullman, marchons en imaginant les Ford, Chevrolet et De Soto en file indienne vers la fin des années 30. Sous le tablier, l’imposant Mississipi, paisible d’apparence mais puissant, frappe les piles, les contourne. Aujourd’hui calme en attendant sa prochaine crue en furie.
Flashback
Il a été remplacé par un nouveau pont appelé "New Chain of Rocks Bridge" construit en 1966. Restauré et classé Monument Historique en 2006, Le Chain of Rocks Bridge n'est depuis accessible qu'aux piétons et cyclistes alors, profitons-en, admirons ce treillis de poutrelles qui a dû faire plancher quelques ingénieurs sur les méthodes de Cremona ou de Cullman, marchons en imaginant les Ford, Chevrolet et De Soto en file indienne vers la fin des années 30. Sous le tablier, l’imposant Mississipi, paisible d’apparence mais puissant, frappe les piles, les contourne. Aujourd’hui calme en attendant sa prochaine crue en furie.
Le Mississipi
Le Missouri
Il paraît que Missouri en langue Sioux signifie « pays des grandes pirogues », grandes, normal sur le grand fleuve. Un état plus accidenté que son voisin l’Illinois de l’autre côté du Mississipi, vallonné, boisé comme nous allons bientôt le découvrir.
Au bord du grand fleuve, Saint-Louis, la
porte de l’ouest, le point de départ des pionniers vers le Pacifique symbolisé
par le Gateway Arch, une grand arche de 192m de haut, en inox poli, posée au
bord du fleuve que nous découvrons à travers la baie vitrée de notre chambre au
14ème étage. Son architecte ? le Finlandais Saarinen, celui-là
même qui dessina les meubles tulipés diffusés par Knoll. Vous pouvez voir des
exemplaires de ces meubles dans deux endroits prestigieux de la planète :
notre cuisine et le musée d’Art Moderne de New-York. Sur les eaux limoneuses
glissent de gigantesques trains de barges qui s’essoufflent en repoussant le
courant.
Saint-Louis affiche une histoire mouvementée : créée en 1763 par Pierre Laclède, un Français, la ville devient espagnole puis à nouveau française en 1800. Trois ans plus tard, Napoleon vend pour 15 millions de dollars toutes les possessions françaises en Amérique au jeune Etat … pour financer ses campagnes militaires… près d’un tiers de la surface des Etats-Unis … c’est malin !
Ce matin Cat va mieux plus le petit oisillon
tombé du nid, pas encore La Calas, mais le matracage Rush a remarquablement
fonctionné. La Route 66 se profile à nouveau rosy.
En
parcourant les rues de la vieille ville aucun dépaysement : rue des
Granges (beaucoup moins select que celle de Genève), rue de l’Eglise, rue Royale…
C’est de cette ville tout juste américaine,
en 1804, que part la célèbre expédition menée par Lewis et Clark, première
traversée du pays, de Saint-Louis au
Pacifique dont nous suivons leurs aventures en détail dans l’ancien palais de
justice de la ville, l’Old Courthouse, transformé en musée.
C’est dans ce palais
de justice que se déroula un des plus célèbres procès concernant l’esclavage. En
mai 1857, la cour suprême des Etats-Unis prenait une décision extrêmement controversée,
après des années de procès et d’appels. Dreg Scott réclamait d’être affranchi
au nom de l’abolition de l’esclavage dans d’autres états. L’argument était
qu’un noir, affranchi ou esclave, n’étant pas citoyen américain, n’a pas le
droit d’intenter un procès. Quatre années plus tard c’était la guerre civile,
la guerre de Sécession qui amena l’abolition de l’esclavage. La cour suprême américaine
considère toujours aujourd’hui cette décision de justice comme une honte.
Petites revanche, les statues en bronze de
Dreg Scott et de sa femme Harriett sont bien évidence devant le palais de
justice.
Dreg Scott et sa femme Harriett
A quai en attendant la baisse de la crue
Mais en plus, last but
not least, Saint Louis est une ville qui compte en matière de blues, le fief de
musiciens de tout premier plan : Peetie
Weethrow et Lonnie Johnson
dans les années 30, Chuck Berry
et son fameux pianiste Johnnie Johnson
dans les années 50/60 puis Albert King
sans oublier Tina Turner. Aujourd’hui
quelques vétérans comme Big George
Brook, Arthur Williams
sont toujours là. Alors Cat et Ge partent s’encanailler au BB's Jazz, Blues and Soups… en taxi, non pas parce que Saint-Louis est
la ville la plus chaude des Etats-Unis
(5 fois plus de crimes par tête d’habitants que la moyenne nationale), ça on
l’ignore encore, mais pour soulager les jambes après cette journée de footing.
Le taxi se gare devant le 700 S. Broadway. Sur le trottoir vautrés sur des chaises
qui ont probablement connu la guerre de Sécession, des individus un peu glauque,
l’œil vitreux, « Il te reste encore un peu de moquette, mec ? ».
Le genre affranchi et décontracté, nous poussons le porte de la boite.
Sympa. Un bar qui n’en finit pas. Peu de
tables occupées. Une belle table près de
la scène nous tend les bras. « Hi guys ! ». La cuisine sera
Cajun. Au bord du Mississipi. Le rêve. Le groupe déjanté arrive en portant un
piano droit de la même époque que les chaises de l’extérieur. Piano, contrebasse
et batterie. Trois musiciens de Caroline du Nord qui font la route avec New-Orleans en point
de mire. Le pianiste joue la plupart du temps debout, lève les bras à la
verticale pour avoir plus d’impact sur les touches. Le piano ne tiendra jamais
le coup jusqu’à New-Orleans ! Pas exacement le Blues du Mississipi
attendu. Enfin, quand on habite Saint-Luc tout passe à Saint-Louis.
BB's Jazz, Blues and Soups
Avant de quitter
notre hôtel élégant, un petit mot sur le petit déjeuner et sur « le grand
vortex ». Une salle sans âme, un buffet anémique, des assiettes en sagex ,
des tasses en carton, des couverts en plastique. S’affaire une femme de ménage
qui passe son aspirateur entre les pieds des clients, qui s’échinent à couper
leur toast avec leur couteau pour dinette d’enfant. Notre voisin et son fils,
qui chacun affiche 200kg sur la bascule, vont surement casser le
matériel ! Changement de décor, la caméra plonge au milieu du Pacifique
nord : un immense vortex de
déchets s’est créé également connu sous le nom de « soupe
plastique», « septième » ou « huitième continent » ou encore
« grande zone d'ordures du Pacifique ». Plusieurs fois la surface de
la France, 1 million de pièces par km2, une couche épaisse jusqu’à 30 m, voilà le résultat des 275 millions de tonnes de déchets
plastique produits annuellement par 192 pays, dont environ 10 millions de
tonnes sont déversés dans les océans. Au milieu de notre salle de
petit-déjeuner trône une poubelle qui récolte nos assiettes, tasses et couverts
jetables, en route pour le grand vortex. Ca fait froid dans le dos. Pauvre
planète.
C’est le moment de
prendre la route et d’aller découvrir le Missouri. Aujourd’hui la 66 nous
conduira à Cuba, pas l’ile mais la
petite ville du même nom.
Du parking de
l’hôtel sortent en même temps que nous une Corvette vintage et une Mustang,
deux voitures au profil typique « Route 66 ». Notre Camaro leur emboite
le pas en se disant, voilà une façon simple de sortir de la ville et de
retrouver la Mother Road. Grave erreur ! Ces deux voitures participaient à
un rallye le long du Mississipi. Demi-tour. Sur les autoroutes qui ceinturent
Saint-Louis, le rythme est infernal, lancés à 120km/h de monstrueux
semi-remorques de 40 tonnes nous prennent en étau, bouchant la vision des
panneaux. La voix du Garmin « prochaine sortie dans 200m » oui, mais
comment se rabattre au milieu de ces monstres. Le cerveau est en
ébullition. A Allenton juste après Eureka, retour bienheureux sur la paisible
et bucolique Route 66. Peut-être une façon de découvrir comment la qualité de
vie s’est dégradée
BD, westerns, nous avons tous croisé à un moment ou à un autre Jesse James, le hors la loi légendaire. A partir de 1867, pendant 15 ans, Jesse et sa bande vont vivre d’attaques multiples de banques, de diligences et de trains. En 1882 il meure à 35 ans assassiné par Robert Ford, un membre de sa bande. Fin de l’histoire… jusqu’en 1951 où au seuil de la mort un certain John Frank Dalton avoue être le vrai Jesse James et que l’homme assassiné en 1882 était un autre. Ge et Cat veulent en avoir le cœur net. Une seule adresse, le Jesse James Museum, à Stanton, le long de la route 66. Accueilli par une sorte de Buffalo Bill tout juste tombé de son cheval, nous entamons la visite du musée à la gloire du héros. « Alors où est la vérité ? » « Nobody knows !» réplique Buffalo Bill. Aucune progression sur la voie de la vérité…
BD, westerns, nous avons tous croisé à un moment ou à un autre Jesse James, le hors la loi légendaire. A partir de 1867, pendant 15 ans, Jesse et sa bande vont vivre d’attaques multiples de banques, de diligences et de trains. En 1882 il meure à 35 ans assassiné par Robert Ford, un membre de sa bande. Fin de l’histoire… jusqu’en 1951 où au seuil de la mort un certain John Frank Dalton avoue être le vrai Jesse James et que l’homme assassiné en 1882 était un autre. Ge et Cat veulent en avoir le cœur net. Une seule adresse, le Jesse James Museum, à Stanton, le long de la route 66. Accueilli par une sorte de Buffalo Bill tout juste tombé de son cheval, nous entamons la visite du musée à la gloire du héros. « Alors où est la vérité ? » « Nobody knows !» réplique Buffalo Bill. Aucune progression sur la voie de la vérité…
A 3 Milles, les Meramec Caverns, un haut lieu touristique de la route 66, en plus d’une planque pour les armes de Jesse. Malgré tout le tintamarre publicitaire, nous resterons en surface. Les « tites » et les « mites », ce n’est pas notre truc. A la spéléo nous préférons les cimes enneigées.
Cuba, c’est la ville
aux peintures murales, véritables fresques d’évènements historiques locaux ou
nationaux, souvent pleines d’humour. Mais c’est surtout le lieu d’un des motels
cultes de la 66 : le Wagon Wheel Motel. Construit en 1934 en pierres
d’Ozark, il vient d’être rénové en 2011 par Connie, une femme au fort
caractère, un peu grognon, mais, il en faut du caractère pour rénover ce que
l’on continue d’appeler le meilleur Motel de la route 66. 2011, 75 ans de
service sans interruption. Remarquablement construits en pierre de taille par
un maçon originaire de Hongrie, ces bungalows sont indestructibles.
Waggon wheel motel en pierres d'Ozark
Peintures murales de Cuba
Les pierres d’Orzark
dorent au soleil couchant. Quand à nous, nous allons dormir dans la chambre de
Marylin.
La chambre de Marylin
la Huddle House
La 66 suit la 44 à
la manière du sous-préfet aux champs, musarde en forêt, traverse des vignobles,
se transforme en route à 2X deux voies revêtue de dalles en béton, puis, change
d’époque avec un flashback en 1930. Dans un virage, le redoutable Devil Elbow,
le pont sur la rivière Big Piney, un autre passage obligé de la Street of America.
Encore un pont qui vit passer nombre defamilles en vacances. Le bistrot où,
dans les années 50, les enfants venaient siroter leurs limonades bien sucrées
est fermé et, bien que délabré, affiche « Ouverture le dimanche de 12.00 à
20.00 » Mais depuis quand est-ce écrit ? Ne faudrait-il pas peut-être
pour commencer par remplacer les carreaux cassés ?
The Devil Elbow
Souvent tout repose sur
les épaules d’un idéaliste. Il disparait et son œuvre avec lui. Plus loin, à
Rolla le musée de l’automobile, réputé pour ses pièces rares a aussi fermé. Le
propriétaire-créateur vient de décéder d’un cancer. Et personne pour prendre la
suite. Ephémère, toujours.
Ce matin nous
quittions Cuba, bientôt, ce sera
Lebanon, le Liban. La Camaro dévore vraiment les Milles, pour l’instant, plus
modestement, dans la forêt domaniale de Mark Twain.
Années 50
Lebanon et son motel icône, le Munger Moss. En 1930 la famille Munger Moss quitte son café près du Devil Elbow, oui, le bistro fermé que l’on vient de quitter, et s’installe à Lebanon. En 1946 ils créent leur Motel au bord de la 66. Depuis 1970 Bob et Ramona ont pris la suite et entretiennent impeccablement ce vénérable témoin. Au mur, dans la chambre, de multiples souvenirs de la Mother Road, sa construction, les personnalités de passage etc. L’accueil est chaleureux dans la plus pure tradition du voyageur que l’on honore. « Bob raconte à Monsieur que tu es Suisse » « Mon grand-père était un Schneider et ma Grand-Mère une Ritz, mais je ne me souviens plus très bien de quelle ville de Suisse » « Mais enfin, Bob, c’est Berne ! » Le sympathique couple, aux commandes du motel depuis 45 ans jette l’éponge. C’est affiché : « Cherchons repreneur ». Si vous êtes intéressés je vous donne l’adresse ! Nous, on reste à Saint-Luc !
Au Munger Moss Motel, une chambre musée
Chez Harley à Lebanon
A la caisse du Elm
street Eatery en réglant le pti dej, un retraité m’interpelle pointant le
crocodile sur mon polo Lacoste « Quelle est la signification de ce
crocodile ? » « Oh, c’est simple je fais partie d’un club de
chasseurs aux crocodiles » Les yeux exorbités furent accompagnés d’un
« Whaoooo ! » retentissant. Je fis forte impression. A une table
voisine, une blondinette fragile, flic
de son état, mange un muffin en caressant son colt 38. On regagne discrètement
la voiture.
Route départementale
souvent, 66 des années 30, quelques passages en dalles de béton, des ponts
« Eiffel » à la rouille sympathique, des stations d’essence qui ne
sentent plus le précieux combustible depuis bien des lustres.
La guerre de Sécession,
la guerre civile, comme on dit ici, de bataille en bataille, Wilson Creek,
Carthage, Springfield racontés au fil des musées des villes de ce Missouri qui
avait bien du mal à trancher entre les nordistes et les sudistes esclavagistes.
Villes sans début ni fin, sans centre – pour savoir où est situé cet
introuvable centre, il suffit de trouver l’intersection « Main
Street » et « 1st Srtreet », c’est là. C’est comme ailleurs mais
c’est là ! Alignements de Malls, d’enseignes publicitaires, de stations-services,
de points de vidange, de marchands de pneus discount, de parking bondés de
voitures d’occasion. Inutile de lancer « Mon brave pouvez-vous m’indiquer
où se trouve la vieille ville ?» Non, ce serait complètement décalé.
La route ondule au
gré des collines d’Ozark où alternent forêts et roches à nu, pour faire court
une accumulation de plus d’un km d’épaisseur de sédiments accumulés au fond de
la Thétis, suivi de 300 millions d’années de poussées vers le haut et
d’érosion, ce qui donne ces paysages de collines, de plateaux et de vallées
encaissées parsemées de nombreux lacs et
rivières.
A Carthage, quelques
immeubles délabrés, vestiges d’une époque où la ville alors très riche
exploitait encore ses mines de zinc et de plomb. Quelques belles demeures
victoriennes de l’époque opulente ont heureusement été préservées. A la sortie
de la ville, au 17231 Old 66 Bd, un survivant de la grand époque : le
« 66 Drive Inn Theater » retapé récemment par un certain Mark
Goodman. Un sinistre personnage qui ne peut admettre qu’un Européen s’arrête
près de la guérite de vente des billets pour faire des photos. « DEMI
TOUR ! » hurle-t-il doigt pointé sur le capot de la voiture.
« Vous les Européens vous êtes incapables de respecter la propriété privée ! »
Un ancien flic ou un ancien marine, un ancien gardien de Guatanamo ? On
hésite !
Et voici Joplin la
dernière ville du Missouri. Un autre alignement de panneaux publicitaires, un
restaurant tous les 2km en alternance avec des station-services.
Kansas
Le Kansas ne partage
que 22 km de la Route 66, pas plus, mais en est très fier et cultive avec soin
le folklore associé, car il serait intolérable que le touriste qui
« fait » la route en rate une miette.
Galena
Vintahe Gas Station - Galena
A la période minière opulente du 19ème et début du 20ème siècle, succède aujourd’hui une période assez misérable, des villes sinistrées presque abandonnées après la fermeture des mines taries. Plus de plomb, plus de zinc, la ville de Galena est « dézinguée ». Galena, la galène, le minerai magique de notre enfance, les premières radios bricolées de nos 10 ans.
De vieilles
voitures, anciens acteurs de « Cars », postes à essence vintage, une
prison-cage rouillée abandonnée sur un trottoir.
La route repart alternant arbres et prairies. Un pont de 1923 en béton, le modèle « Rainbow » de la 66 d’origine, ça ne se rate pas. Séance de photos.
1923 Rainbow bridge near Galena
A deux pas –
précisons, à l’échelle américaine – c’est-à-dire à environ 10 milles, une
épicerie qui fonctionne sans interruption depuis 1925, et comme ce fut du non-stop,
il a été impossible de changer les étagères qui sont à la limite de
l’épuisement, ni souvent d’ailleurs ce qu’il y a dessus. Oui mais c’est justement
pour ça que l’on s’arrête. Si vous cherchez du papier collant, du terreau, une
bèche rouillée, une Dinky Toy 1950 ou du papier de toilette alors… c’est
là ! C’est tout petit mais il y a tout !
Dans notre
imaginaire “Route 66”, l’Oklahoma se mèle aux descriptions de Steinbeck, aux
paysans misérables, ruinés par la sécheresse du début des années 30, debout,
abattus les pieds plantés dans la poussière rouge où plus rien ne pousse, aux
tornades qui font s’envoler les granges… La Camaro roule au milieu de collines
boisées, continuum paysager sans rupture
d’un Etat à l’autre. Les monts Ozark ne se préoccupent pas de frontière. Peu à
peu la plaine et les grandes étendues reprennent le dessus, l’horizon s’élargit
avec la progression vers l’ouest, surviennent les grandes prairies ou plus rien
n’arrête le vent, le pays des chevaux piqueté d’innombrables églises évangéliques. Si tu
parles bien, avec bagout, sais être persuasif, alors, construis une église bien
proprette, trouve un nom qui sonne bien l’évangile. Le succès est assuré.
Fortune garantie. L’Oklahoma fait partie de cette Bible Belt conservatrice, les
pieds dans la terre, la tête près de Dieu. Mais l’Oklahoma, ce sont aussi les
Territoires Indiens, la région où furent rassemblés, parqués, les Américains
natifs au milieu du 19ème siècle.
66, straight ahead!
L’Oklahoma est paraît-il
synonyme de sécheresse, un pays ou rien ne pousse et pourtant, il tombe des
cordes à Miami. Un Miami qui n’a rien à voir avec la Floride. Encore une ville
appauvrie par la fermeture des mines. A l’époque de la splendeur, George
Coleman un riche mineur fait construire à Miami en 1929 un théâtre de 1600
places de style colonial espagnol. Dorures, moquette rouge, sièges revêtus de
velours assorti, un foyer, un bar pour
l’entracte, des petites salles pour conversations privées, rien ne manque. Une
charmante bénévole nous guide : loges d’artistes, mécanisme pour les
décors et un orgue tout à fait étonnant à la sonorité qui décoiffe et qui
fonctionne parfaitement, l’accompagnement des films muets des années trente.
Comme toujours aux US l’entretien et le fonctionnement sont assurés par une
association de bénévoles. Une visite vraiment insolite dans cette petite ville
de 13`000 habitants.
Le théatre Coleman - Miami
A Vinita, une des plus anciennes villes de l’Oklahoma, où un arrêt emblématique s’impose, le Clanton Café. Ouvert depuis 1927, la quatrième génération est aux commandes.
« Venez vous
asseoir au bout de cette table » nous lance le patron du Café qui poursuit
en faisant les présentations « Ce couple vient de loin, il vient de
Suisse. Ces deux cow-boys eux, viennent du bout de la rue… » Les deux
pépés à l’œil rigolard, nous expliquent que ce week-end c’est le « World's Largest Calf Fry
Festival » Devant notre œil en
forme de point d’interrogation, les deux éternels gamins conseillent de
demander ce que c’est à la serveuse qui, embarrassée affirme simplement que
c’est très bon et nous propose une dégustation. Arrivent des sortes de beignets
délicieux. La serveuse rougit, les pépés se marrent et l’illumination nous
vient : le jour de la castration des veaux. Bingo! Voilà deux Suisses
enfin dans la confidence. Nous venons de manger des testicules de veau fraîchement
coupés et plongés dans la friture, les « Calf fries ».
Ne ratez pas le
musée de Vinita nous avait dit le patron. Kathleen, la directrice du musée,
véritable mémoire de Vinita, nous accueille et nous transfuse sa connaissance
encyclopédique de la ville, l’époque où Vinita surpassait Tulsa qui n’était
qu’un village (ça c’est gâté depuis), où Will Rogers, le héros national usait
ses fonds de culottes à l’école primaire du coin… La charmante nous tire le
portrait devant le panneau « Route 66 »et devant Will Rogers. Demain,
nous ferons la une du journal local !
Clanton Café
Calf fries
Kathleen and Will Rogers
La une du Vinita's Newspaper
A Foyil, arrêt au parc des Totems, où un retraité allumé, un autre, passa 25 ans à sculpter pendant 10 heures par jour, des totems et encore des totems et toujours des totems. Le plus grand, haut de 30m, lui prit onze ans ! Le climat de Foyil doit être particulier, car ce gros village compte un autre original, Andy Payne, qui gagna le marathon LA- NY organisé en 1928 en l’honneur de la 66. 5500 km qu’il parcourut en 573 heures devant 275 autres concurrents. Ils sont très spéciaux à Foyil.
Le grand totem de Nathan Galloway
Will Rogers
Catoosa n’est connu des touristes que par sa mythique baleine bleue au bord de la Route 66. Point d’attraction d’un ancien parc d’attraction privée. Aujourd’hui, polution oblige la baignade est interdite dans la mare opaque.
La baleine bleue
Oklahoma city est en
point de mire et parait plus prometteur. Mais
Tulsa ne veut pas nous lâcher. Comme souvent la 66 se perd dans les
méandres de la ville, les panneaux « Historic 66 » se font rares, le
système GPS s’embrouille, nous aussi. La bonne vieille méthode :
demander ! Mais ne jamais oublier que les distances aux US ne sont pas
comparables aux européennes. Quand en entendant une explication vous avez
l’impression que c’est à 1 km, multipliez au minimum par dix ! Après deux
explications du type « close by » la 66 est enfin sous les roues. Entre
Tulsa et Sapulpa, La 66 joue à cache-cache avec la I44. Un coup à gauche, un
coup à droite de l’autoroute. Les trains de camions se succèdent sur la I 44. Sur
la 66, la Camaro est seule et tranquille.
A la sortie de
Sapulpa, nouvelle séance photos pour immortaliser, si c’est encore nécessaire,
le Rock Creek Bridge, un vieux pont rouillé au tablier en briques de 1921.
Moins d’un mille plus loin, la Camaro embouque l’Ozark trail, court vestige
boisé de la 66 d’origine, une vieille dame bordée d’antiques réservoirs de
pétrole rouillés et de stations de pompage envahis par les herbes, réminiscence
du temps où le pétrole coulait encore.
Rock Creek Bridge
A l’incontournable
Rock Café de Stroud construit en 1939, on flanche devant des beignets de tomates
vertes dont la légende nous laisse rapidement vraiment septique. Le café est
bondé, le parking plein de vieilles voitures. Les collectionneurs savourent
leurs beignets comme au bon vieux temps. Aujourd’hui, à Stroud, c’est le grand
meeting annuel des voitures vintage.
Vintage cars
Arcadia . La grange
Oklahoma City est
une exception « humaine » dans la longue liste des villes américaines
explosées, sans centre, sans âme. Ici, « Bricktown », le centre
historique est en grande partie préservé.
Dès le début du 20ème siècle ce centre commercial se
développe autour de la ligne ferroviaire de Santa Fe qui traverse la ville. Le
business déserta ce centre dans les années 50 au profit de la périphérie et au
début des années 1990, ce « trésor » historique, fut rénové et
agrémenté d’un canal qui traverse le quartier.
Oklahoma City - Bricktown
Au bord du cal une gigantesque sculpture en bronze hyper réaliste rappelle le temps de « la course aux terres ». Au coup de canon 50'000 candidats s’élançait à pied, à cheval ou en chariot pour aller occuper le terrain de leur rêve. Il fallait ensuite construire une maison et cultiver la terre pendant 5 ans pour devenir effectivement propriétaire.
La course aux terres
La sortie d’Oklahoma
city vaut celle de Tulsa. Pas d’indication « 66 » pas de panneaux… Ah
enfin un pont rouillé, on doit être dessus ! Une route dallée droit
devant, c’est tout bon.
El Reno encore une
mural city où les artistes se sont défoulés. Séance photos … bien entendu. Au
milieu de nulle part et de prairies jusqu’à l’horizon, est posé Fort Reno. A sa
création en 1874, Fort Reno sert de base à la cavalerie pour mater ces foutus indiens
qui prétendent être chez eux. Ah mais ! il ne faut pas exagérer !
Nous avons tous en tête ces charges de la cavalerie, de la bataille de Little
Big Horn et de la mort du général Custer, immortalisée pendant les grandes
années d’Hollywood. Après quelques affectations diverses, le fort servit de
camp pour prisonniers allemands pendant la seconde guerre mondiale… C’est
aujourd’hui un musée et un centre de recherches géré par le ministère de
l’agriculture.
Fort Reno
La Camaro franchit
la Canadian River sur le Pont où mourut Gran-Pa dans « Les raisins de la
colère ».
Canadian River Bridge
Lucy gaz station
Encore une partie de
cache-cache avec la I44 et c’est Clinton qui abrite un des plus beaux musées
consacrés à la Mother Road qui recrée parfaitement
l’atmosphère de la route dans les années 50 et 60. Vieux garages, enseignes
néon des motels, resto vintage, vieilles voitures de l’époque de notre enfance,
avec les inévitables Chevrolet Bel air, ambiance sonore avec Elvis qui chante
dans le lointain et un excellent film retraçant la construction de la route et
la vie sur la route : le commerce dans les années 30, la ruée vers
l’ouest, les transports de troupes pendant les années 40, le tourisme c’est
l’affaire des années 50 et 60.
Encore quelques milles
avant la pose du soir à Elk City.
L’hôtel est au
milieu de nulle part enfin, plus précisément au milieu de travaux d’autoroute au
bord de la route 66, mais pas exactement un petit motel historique. En face,
isolé et insolite, un bistro qui affiche les couleurs italiennes, et annonce
« Calzone i stromboli ». Ca changera des hamburgers. En 1998-1999 la
guerre fait rage au Kosovo. Beaucoup de réfugiés fuient le pays. Une famille
demande l’asile aux USA, et est acceptée. Marco a 10 ans. Aujourd’hui, près de
la trentaine, il nous sert nos pizzas dans son restaurant dont il très fier.
L’accent méditerranéen à Elk City. Le hasard, comme toujours.
Avant de quitter la
ville un crochet par le « National Route 66 Museum » s’impose.
Quelques belles vieilles dames rutilantes, pleines de chromes, la camionnette
du film « Les raisins de la colère » avec John Ford et Henri Fonda
dans leurs fauteuils pliants « Hollywood ». Le couple à la Mustang
blanche, Kevin et Brenda, qui, comme nous « font la route », et
rencontrés plusieurs fois depuis deux jours, visitent aussi le musée. A la prochaine !
Le Texas
La « frontière » est passée à Texola au milieu d’un paysage plat d’un horizon à l’autre et recouvert d’une sorte de bush ras où paissent quelques rares troupeaux de bovins bruns. La route est infiniment droite. Les géomètres n’ont pas dû être surmenés pendant sa construction.
A Shamrock, un coup
d’œil à la Tower Station et U-Drop Inn Café au bord de la route 66 in Shamrock.
Construit in 1936 , c’est un superbe batiment art déco, une combinaison d’une
station-service, d’un café et d’une épicerie. Un vrai ancêtre de nos stations
d’autoroute avec un effort architectural en prime.
Shamrock - Tower Station et U-Drop Inn Café
Ca vous viendrait à
l’idée d’ouvrir un musée consacré au fil de fer barbelé ? Non ? Et
bien à MacLean ils n’ont pas hésité. C’est, disent-ils, le seul au monde sur le
sujet. Et bien ce truc qui arrachait nos pantalons lorsque l’on courait,
enfant, dans la campagne, a été inventé par un fermier du coin. Je vous entend
dire il y a tout juste de quoi remplir une cabine téléphonique. Que nenni, le
musée est immense, 500 modèles différents de ce type de clôture ça prend de la
place.
500 modèles!
Typique années 50
Et c’est Amarillo et
son légendaire « Big Texas Steak Ranch » annoncé par un gigantesque
Cow-Boy de 27 m de haut.
Une reconstitution
d’un village du Far-West, un décor de western. Le long de la rue du
« village » les hôtels. Nous héritons de l’Hôtel Alamo, une
reconstitution du fort. La Mustang blanche est déjà là. Devant ces hotels de
cinéma, un alignement de Cadillac aux capots décorés de cornes de vaches de la
race des « Long Horns » et une enfilade d’une trentaine de Harley.
Une majorité de gros biceps mais aussi une brochette de motardes survoltées. Un
Club Harley de la région de Chicago. Leur objectif la 66 Chicago-LA, 4000km en
quatre jours ! Ils sont au milieu du parcours, fin de leur deuxième
journée. Et nous ? 26 jours vautrés au fond de nos sièges baquet. Des
vrais bourgeois !
Bottes à talon
décorées, chapeaux aux larges bords, démarches chaloupées. J’ai l’impression
que nous sommes au Texas. Le nom, « Big Texas Steak Ranch » est lié
au concours « Grande bouffe » organisée tous les soirs. On vous sert
un steak de 72 onces soit 2,12 kg et si vous le terminez en moins d’une heure,
c’est gratuit. Notre diner avec nos amis à la Mustang blanche, Kevin et Brenda,
sera plus raisonnable mais sur le podium, deux candidats sont en compétition.
L’un d’eux réussira. Pas la peine de commencer un discours moraliste « Ah
quand on pense à la faim dans le monde etc » ce serait complètement
déplacé… Un couple de musiciens, violon et guitare, passe entre les tables
« Where do you come from ? » « Switzerland !» Alors
s’envole une chanson du style « qu’il est bon de retrouver mon beau chalet
en bois dans la montagne… » assorti de formidables jodel interprétés par
le guitariste vintage.
Long Horn Cadillacs
Le temple du steack
Mon beau chalet & Jodel
Chicago -----> LA : 4 jours!
Cadillac Ranch
Artiste de passage
Les stations-services, les cafés des années 1930, souvent abandonnés et délabrés c’est un peu lassant. Mais quelque fois une de ces installations des origines de la 66 a de la chance. Des bénévoles en tombent amoureux et la rénovent. C’est le cas de la Magnolia Gas station à Vega. Tenue par une charmante femme qui nous précise fièrement en riant « Je suis née à Vega, j’adore Vega, je mourais à Vega » cette station de la firme Magnolia qui date de 1920 est une des premières stations du monde. La Camaro, très impressionnée, se fait photographier devant ce bâtiment mythique.
la
Magnolia Gas station à Vega
Adrian, voilà une
vraie étape, le milieu de la route. Sur la façade du Mid Point Café deux
flèches : Chicago 1139 milles, Santa Monica 1139 milles. En réalité le
compteur affiche près de 1300 milles. Le café, ouvert en 1930, est rétro à
souhait. Ici on déguste les « Ugly Crust Pies » toute une collection
de différents gâteaux, parait-il, les
recettes de la grand-mère, des gâteaux des années 30, vous vous rendez
compte ! Si vous êtes diabétiques changez d’urgence de café. Pas de
problème, le prochain est « Close by » à 5o km.
Le nouveau Mexique
aurait dit Coluche, et de plus en plus sec.
A Glenrio, « agujero los agujeros” (versión espagnole de trou les trous), nous entrons au nouveau Mexique.
La Camaro fait son
entrée dans Tucumcari et découvre le fameux « Blue Swallow Motel ».
Si vous « faites » la Route 66 et que vous ne dormez pas dans ce
Motel alors ne le racontez surtout pas. Ce serait une honte.
C’est un vrai de vrai d’époque, avec de belles américaines des années 50 parquées devant le « Lobby ».
Blue Swallow Motel à Tucumcari
C’est un vrai de vrai d’époque, avec de belles américaines des années 50 parquées devant le « Lobby ».
Accueil chaleureux,
comme toujours, par la propriétaire qui parle un américain fluide, clair, 100%
compréhensible. Forcément elle est du Michigan. Comme aux premiers temps de
l’invention du motel, chaque chambre possède son petit garage attenant pour
garer sa voiture. Seulement 1926, l’année du design, c’était l’époque de la
Ford T et si la Camaro rentre tout juste,
pour ouvrir les portières et en sortir c’est une toute autre histoire. Nous
emménageons dans la chambre 11, pendant que Kevin et Brenda prennent possession
de la chambre 12. La Camaro et la Mustang vont pouvoir échanger toute la nuit
leurs impressions sur la Route 66. Au fond du garage, une fresque néo-réaliste :
des motards en Harley sur fond de palmiers et de 66, Peter Fonda dans
« Easy Rider ».
Easyrider
Le Motel est de
couleur pastel comme dans les années 50. Ge et Cat jouent à fond la séance
rétro, une « Mug » aux couleurs du Motel à la main, assis devant la
porte de leur chambre sur un fauteuil biplace à bascule rose bonbon, ils
sirotent leur café en regardant passer
les Harley. « Gecat et la 66 », 3ème , silence on tourne.
Chambre également des années 50, mobilier kitch, lit trampoline, clim essoufflée,
TV au tube cathodique sans fin, lampe de chevet rose fraise, inclassable.
La chambre 11 et son fauteuil à bascule rose
A Santa Rosa la
Camaro embouque une route secondaire en direction de Puerto di Luna. Zigzagodromie
au milieu de collines et de vallées rougeâtres magnifiques. Avec ses 140
habitants, ce village accroché à la Pecos River ne respire pas la santé
avec ses maisons délabrées et ses champs
mal entretenus. Insolite au milieu d’une place en terre sèche, l’imposante
église qui date de l’époque où Puerto di Luna était le chef-lieu du comté de
Guadalupe. Pas encore une ville fantôme, mais presque.
66
Vestiges archéologiques
66 memories
El Rey en 2015
-
5 cl de tequila ,
3 cl de Cointreau ou Grand Marnier, 2 cl de jus de citron vert.
-
Frapper les
ingrédients au shaker avec des glaçons puis verser dans le verre givré au
citron et au sel fin.
-
Servir dans un
verre de type "verre à Margarita".
-
Décorer d'une
tranche de citron vert...
Les paysages photogéniques servirent de
cadre à de nombreux films. Les souvenirs de John Wayne et d’autres cowboys célèbres
hantent le nouveau Mexique. Ce soir nous irons nous encanailler chez Maria, la
pinte préférée de Robert Redford, la pinte aux 300 différentes tequila.
Cap sur Los Alamos, ce bourg au milieu de
nulle part qui a bouleversé l’anthrocène. En 1942 nait le projet Manhattan,
visant à l’élaboration de la bombe A sous la direction scientifique de Robert
Oppenheimer avec à la tête du projet le Général Grove. Un jeune idéaliste âgé
de 35 ans et un militaire de carrière à la discipline inflexible : un
tandem explosif ! Entourés d’une brochette de petits génies de la
physique, le projet débouche comme on le sait sur Hiroshima et Nagazaki et la
capitulation du Japon.
Oppenheimer et Grove
Un collège fut réquisitionné et occupé par
les chercheurs. Les plus éminents eurent leurs maisons équipées de salles de
bains avec baignoire, une rareté. Tellement vrai que la rue fut à l’époque baptisée
Bathtub row.
La coquette petite
ville de Los Alamos ne ressemble plus aux débuts des années 40, avec ses
baraques militaires et ses halls en tôle
ondulée telle qu’on les découvre sur les photos exposées au magnifique Bradbury
Science Museum. Un musée qui décrit en détail ces débuts de notre ère nucléaire
mais aussi le vaste domaine de recherches du Laboratoire. Aujourd’hui ce Labo
est, avec 10'000 employés, le plus gros employeur du Nouveau-Mexique. Un tiers
des membres de l'équipe technique sont des physiciens , un quart des ingénieurs , un sixième des chimistes , travaillant en mathématiques, informatique, biologie, géologie et d'autres
disciplines. Scientifiques et étudiants viennent à Los Alamos comme visiteurs
pour participer aux projets de recherches. Les équipes travaillent à des
recherches fondamentales et appliquées en partenariat avec des universités et
l'industrie. Le budget annuel est environ 2 milliards de dollars américains.
Environ deux fois le budget du CERN !
Après
cet épisode historico-scientifique, retour à la nature, la Camaro emprunte une
route boiée à travers les collines entourant Los Alamos, en route pour le Bandelier
National Park, qui abrite une
vallée-canyon, le Frijoles Canyon déjà habité il y 6000 ans. Villages troglodytes
ou de pisés, grosse chaleur renvoyée par la roche gréseuse sur deux pauvres
marcheurs qui se liquéfient en parcourant le Main Loop Trail. 4km, 38 oC.
Frijoles Canyon
Pour rallier Santa Fe à Albuquerque, vous avez deux solutions, soit le cauchemar de l’autoroute I25 soit une départementale de rêve, la NM 14, l’ancien « Turquoise Trail » des Indiens.
C’est le moment, je crois, de dire un mot de
l’enfer des autoroutes américaines, enfin, un enfer pour les Européens rétrécis
, lilliputiens qui vivent à l’échelle des Hobbits.
Sur trois ou quatre voies, roulant entre 100
et 120 km/h d’énormes pick-up aux empattements surdimensionnés, roues à
l’extérieur de la carrosserie élargies de boulons en surépaisseur, le même
modèle que sur le char de Ben-hur, 6 ou 8 cylindres hurlant, doublant à gauche
et à droite ; des semi-remorques lancés à 120 km/h se rabattent sauvagement. A l’entrée des
villes rajouter une couche d’échangeurs multidirectionnels. Le cerveau du Lucquéran
ralenti, vous savez, le pépé de Saint-Luc, est en ébullition, quant à la
Lucquéranne, il y a longtemps qu’elle est passée en phase liquide. Mais, pour
un américain au volant d’un de ces monstres c’est « as usual ».
Que la route de la vallée Turquoise aux
gentils méandres est belle. Une voiture tous les quarts d’heure, le rêve.
Une riche vallée minière, aux filons pratiquement
totalement épuisés. Les mineurs ont fait place aux artistes et aux artisans qui
débarquèrent dans la vallée dans les années 60/70 refusant de participer au
système et son soutien à la guerre du Vietnam. Les plus jeunes, les
incorporables partent en Suède.
Au bord de la route un gigantesque origami. Personne
derrière ? La Camaro plante les freins devant le « Turquoise Trail
Sculpture Garden ». Une vingtaine de sculptures reproduisant en acier
peint à grande échelle des origamis, ces fameux pliages de papier japonais. Les rochers et la terre
rouge forment un arrière-plan contrasté mettant en valeur de façon superbe les
sculptures accessibles le long d’un sentier qui pousse à la méditation. Nous ne
rencontrerons malheureusement pas les artistes Kevin et Jennifer Box.
Origami
Cerrillos, avec ses mines d’or, d’argent, de
zinc, de plomb et, bien sûr, de
turquoise. Certaines mines étaient déjà exploitées à la préhistoire. Le grand
boom minier fut à son sommet en 1880 où Cerillos ne comptait pas moins de 21
saloons ! Les deux survivants servirent de décor au film Young Gun (1988),
un épisode de la vie de Billy the Kid, comme l’explique le robuste propriétaire
désabusé du « Mining Museum » qui expose dans un bric-à-brac
indescriptible des centaines d’objets de la vie au Far-west et des activités
minières. Marco adorerait !
Cerillos
Turquoises
Un des deux derniers saloon de Cerillos
Madrid
Un Gepeto à l’accent roucoulant nous
accueille tout sourire, nous prenons nos quartier au Monterey Motel
d’Albuquerque, une autre icône de la 66, à deux pas (version européenne pour
une fois) de la vieille ville.
En réalité Gepeto est polonais. En 1970 il
fuit le régime du général Jaruzelski , l’homme aux
lunettes fumées, et se retrouve à 19 ans à Chicago. De petit boulot en petit
boulot, le voilà 40 ans plus tard propriétaire du Monterey Motel. Le hasard,
encore le hasard. 38 oC, plongeon dans la piscine en pensant à Tad et Cracovie.
Albuquerque
Au fond d’un patio, une boutique-atelier, un
artisan joaillier. L’homme est bourru, sans concession, chapeau de cow-boy en
paille vissé sur la tête. Un artiste du genre « je fais ce que j’aime. Si
tu n’aimes pas, rien à foutre ! Les compromis sont bons pour les mauvais,
les sans talent « You got it ? » » Suit un long exposé sur
les turquoises du sud-ouest des Etats-Unis. « Leur qualité ? On s’en
fout ! Ce qui compte c’est le coup de foudre, une pierre qui te
parle ! Si elle me parle, alors là, je fabrique un médaillon en argent
pour la mettre en valeur. Certaines pierres ne m’ont jamis parlé. Je les laisse
au fond d’un tiroir. Un jour Schwarzeneger, tu sais, Terminator le gouverneur de Californie, passe
par ma boutique, tombe amoureux d’une grosse turquoise et me dit « Tu me
fais une boucle de ceinture plus grosse que mon ego ! » J’ai tout de
suite compris ce qu’il voulait. Trois jours plus tard il en prenait livraison.
Ravi. Au mur une photo de Schwarzy avec le Joaillier montrant sa monstre
boucle. Vous venez de faire connaissance avec Art Tafoya, le charmant plus
célèbre joaillier d’Albuquerque.
Turquoise jewlery
Au centre de la Plazza Grande d’Abuquerque,
un kiosque à musique, et dans le kiosque, ça déménage, guitare électrique,
guitare basse, batterie et percussion. Le quatuor enchaine les airs de rock,
les albuquerquins oscillent. Un overweight sert dans chaque bras une brunette
hispano bien enveloppée et leur caresse les bras en mesure. Un artiste au
look intello aux longs cheveux gris approuve
du chef en cadence ; un couple d’anciens hippies se remémore le bon vieux temps
où l’on courait à poil, vêtu d’un collier de fleurs sur les plages
californiennes.
Albuquerque et Santa-Fe sont frappés du même
interdit : pas d’immeubles ! Un étage maximum pour garder l’esprit
pueblo mexicain. Alors, ce que l’on ne peut pas empiler, on l’étale. L’avenue
où est situé notre Motel d’un autre âge, affiche la modeste longueur de 30
Milles ! Par chance, la vieille ville du 17ème siècle aux
constructions basses en torchis ne mesure que 300x300 m, à cinq minutes à pied
du Motel, une très bonne nouvelle par ces 38 oC qui persistent.
Albuquerque: mural
De plus en plus pelé, de plus en plus
sec, le ruban de la route 66 s’entoure de paysages désertiques magnifiques.
El Rancho, l’hôtel de Gallup, construit en 1938 au bord de la route 66 au milieu du désert poussiéreux, un hôtel légendaire à l’architecture de saloon du far-west. Nous sommes étonnés que la réceptionniste ne porte pas la traditionnelle visière en celluloïd bleu ni de protège manches gris à élastique comme dans les BD de Lucky Lucke. Les murs sont couverts de photos d’acteurs de cinéma qui y séjournaient pendant le tournage d’innombrables westerns. Les couples de légende comme par exemple Humphrey Bogart et Lauren Bacall sont aujourd’hui remplacés par Cat et Ge.
El Ranchp, le lobby
El Rancho:; the Stars
Crooner in Gallup
The Navajo wall
L’Arizona
Côte à côte la 66 et la ligne Santa Fé
Parcourir l’Arizona est un bon moyen de suivre un cours accéléré de géologie en parcourant les parcs nationaux de Painted Desert et de Petrified Forest. Ici ce ne sont pas 4000 ans qui nous regardent comme disait Bonaparte en Egypte, mais 200 millions d’années de dépôts d’alluvions, de poussées magmatiques, d’autres éruptions volcaniques enchevêtrées. Emerveillement permanent devant la diversité des couleurs et découverte de la faune du Triasique et du Jurassique fossilisés aux formes surprenantes quelquefois sans suite, sans doute un mauvais design… des dinosaures qui régnaient en maître jusqu’à la grande catastrophe survenue il y a 65 millions d’années.
Painted Desert
Bien avant, il y a 225 millions d’années, cette région de l’Arizona était zébrée de torrents et couvertes de gigantesques forêts. Pas de garde forestier, les arbres mouraient, tombaient, s’accumulaient dans les vasières chargées de minéraux qui peu à peu prirent la place de la matière ligneuse. Aujourd’hui nous marchons au milieu de milliers de troncs d’arbres vieux de 200 millions d’années.
La capote est fermée
et l’air conditionné en position maximum. Tout simplement une question de
survie.
La Camaro rentre
dans la ville de Holbrook restée célèbre comme le point de jonction des deux
lignes de chemins de fer construites à la rencontre l’une de l’autre depuis
l’Atlantique et le Pacifique. Pour vous en convaincre regardez « Pacific
express » de Cecil B De MILLE (1939). Cet endroit au milieu de nulle part
(ça n’a pas beaucoup changé) fut baptisé Holbrook du nom de l’ingénieur qui
dirigeait le projet.
Sur la gauche de la
route 66, un village indien de 15 Tipis se détache. 15 tipis en béton, le Wigwam
Motel, un des deux survivants d’une chaîne de 7 motels le long de la 66, lancée
en 1936 avec comme slogan « Have you ever done it in a Tipi ? ».
Traduction libre : « viens dans mon Tipi, je te montrerai ma
collection d’estampes japonaises ».
Des voitures années 50 garées devant les Tipi assurent un flashback
garanti.
Wigwam Motel à Holbrook
Au milieu du 19ème siècle, 26 relais de poste jalonnaient l’Arizona. On y dormait changeait les chevaux, chargeait marchandises, lettres et paquets. On progressait alors entre 5 et 9 mph, de relais en relais, sous les ardeurs du soleil. Celui d’Holbrook est toujours là. Nous ne changerons pas les chevaux. Nous nous contenterons d’une viande « to share » excellente.
Holbrook, Main street
Il y a 25 ans un
groupe de Navajos décide la formation d’une école de danse traditionnelle.
L’objectif : occuper les jeunes de la tribu dans ce trou d’Holbrook où il
n’y a rien à faire. C’est ce qu’explique au micro, sur la place d’Holbrook, la
petite fille du couple fondateur de l’école. Son frère, le chef du clan,
enchaîne les danses sur des rythmes lancinants et monotones, avec son fils
d’environ 5 ans attaché à ses basques. Junior s’essaye aux danses ancestrales.
Danse Navajo
L’Arizona est
tellement désertique, une plaque jaunâtre brûlée par le soleil, buissons
desséchés. Aucune industrie, aucune activité agricole visible autour de ces
petites villes alignant motels, stations-services spécialisées dans les
vidanges, le changement des pneus, la réparation des transmissions, quelques supermarchés
et autres drugstores.
Si l’on pose la
question « De quoi vit l’Arizona ? » la réponse tombe « Du
tourisme du Gran Canyon ! » D’ailleurs pas la peine de poser la
question, c’est écrit sur les plaques minéralogiques « Arizona - Gran
Canyon State »
Il y a 50'000 ans,
hier matin à l’échelle géologique, un
météorite de 50 m de diamètre, d'une masse de 300 000 tonnes, composée de fer et de nickel, percutait l’Arizona
à une vitesse de 13 km/s. Personne pour assister au feu d’artifice. Peut-être
quelques mammouths laineux qui paissaient paisiblement à l’époque ont été
choqués…
1200 m de diamètre
200m de profondeur. Un site impressionnant.
Aujourd’hui les
dizaines de milliers de touristes qui visitent le Meteor Crater participent à
la prospérité de l’Etat.
Meteor Crater
Pendant des décennies,
les voyageurs à cheval en chariot, en diligence puis en voiture s’arrêtaient
pour s’approvisionner dans les « Trading Posts ». C’était un lieu
d’échange ou l’on troquait des fourrures contre une cuisinière en fonte ou une
batterie de casseroles. Aujourd’hui, les trappeurs ont disparu, les casseroles
s’achètent chez Target, les Trading Post sont devenus des magasins de
souvenirs. Le Jack Rabbitt Trading post qui soigne sa notoriété est un passage
obligé… et sans aucun intérêt. Une autre attraction nulle vantée par les guides
les « Twins Arrows » deux flèches publicitaires plantées dans le sol, vestige d’un ancien
casino tenu par les Navajos.
Un petit mot sur
Winslow ce bourg qui inspira Glen Frey dans sa chanson « Take it easy »
« Standing in the corner in Winslow Arizona etc… » un tube du début
des années 70. Au fameux corner la statue en bronze de Glen Frey au milieu
d’immeubles en briques de la belle époque de la Mother Road.
Quelques Harley pour compléter le décor. Des motards discutent en …suisse-allemand.
Quelques Harley pour compléter le décor. Des motards discutent en …suisse-allemand.
Fréquemment, en
Arizona, souvent la 66 s’évanouit, s’évapore, disparait sous l’autoroute, seuls
quelques irréductibles tronçons s’accrochent pour maintenir la légende.
Wislow around the corner
Glen Frey
La Camaro met le cap
sur Flagstaff, au pied du massif montagneux des San Francisco Peaks. Ce nord de
l’Arizona, c’est un autre monde. Le Sahara
fait place au Valais. 2200 m d’altitude, montagnes, sapins et fraîcheur.
La Camaro est décapotée et l’air conditionné en vacances. Nous posons nos
valises à l’historique Hotel Weatherford construit en 1897 par John Weatherford
qui, à la fin du 19ème, sillonnait à cheval la région très peu
habitée en se demandant « Mais qu’est-ce que je pourrais bien faire
ici ? » Sa réponse fut un hôtel de luxe pour accueillir les hôtes de
marques. Plusieurs présidents des EU y séjournèrent. Ce soir l’hôtel accueille
Gecat.
Architecture de
style colonial, balcons en bois, balustrades et colonnades. Plein de charme.
Weatherfor Hotel en 1900
Weatherfor Hotel en 2015
Flagstaff c’est le
bon endroit pour rallier le Gran Canyon. C’est ce que nous vous raconterons
dans une autre histoire afin de ne pas casser le rythme de la 66.
Donc cap à l’ouest
en route pour Williams. Désert et forets alternent en fonction de l’altitude.
Williams, de style
cowboy-farwest fut la dernière ville à être contournée par l’autoroute en 1984
et ne souffrit pas trop de l’abandon de la 66. L’afflux de touristes n’a pas
vraiment baissé grâce à la ligne de train vintage qui assure la liaison avec le
Gran Canyon. De plus l’esprit de la 66 est maintenu de manière souvent un petit
peu exagérée : Bars avec musique d’Elvis, multiples boutiques souvenirs
de La Route, station d’essence restaurée
etc Il faut bien occuper les touristes qui attendent le train.
Williams
Elvis va enfourcher sa Harley
Vintage gas station
Angelo Delgadillo, c’est la vedette incontournable de la route 66. A 88 ans, ce barbier de Seligman a toujours bon pied bon œil. En 1978, l’autoroute I40, la tueuse, est inaugurée à un mille au sud. Du jour au lendemain, le village de Seligman, comme beaucoup d’autres s’éteint. Le trafic routier de la route 66 tombe à zéro « overnight ». Mais Angelo, pas du tout de genre résigné, se mit à gamberger « Que faire pour sauver le village ? » Et lui vint la magnifique idée de relancer la route 66 par le tourisme en poussant le côté vintage et nostalgie : la 66 et l’histoire des premiers déplacements à travers le pays, les migrants vers l’ouest lors de la crise de 1930, les premiers vacanciers des années 50… Au bout de dix années de contacts avec d’autres enthousiastes des sept autres états traversés par la Mother Road, Angelo créé en Arizona une association pour la sauvegarde de la 66, bien vite suivie par des associations dans les autres états. Aujourd’hui des associations de soutien essaiment sur toute la planète. Devant nous une minuscule journaliste japonaise questionne la volubile fille d’Angelo et prend des notes, sa chaîne de télé va interviewer le grand-homme dans une heure. Interview qui sera suivi par l’intervention de Ouest-France et Radio Bleue-Caen ! La fille d’Angelo se tourne vers Cat « Mais je vous connais ! » « Normal » répond Cat « Je suis une célèbre comédienne dans mon pays et joue en particulier dans des pièces du célèbre écrivain Georges Brosset » « Ah, voilà pourquoi répond la volubile.
Angelo et Ge
Mais ici à Seligman,
le célèbre barbier pompe l’air. Voilà 40 ans que cet extroverti ballade sa
grosse personnalité dans le village. Et quand on demande « Où se trouve la
boutique du barbier ? » la réponse tombe « Il ny a pas de
barbier ici. Peut-être à Kingman, à 50 miles »
On ne peut être
César sans faire des envieux.
De Seligman, 80 km
sans un virage. Ne cherchez pas, il n’y en a pas. Le géomètre des TP a pu se
permettre de longues siestes dans cette plaine surchauffée. Un arrêt au Trading
Post de Hackberry, « Hackberry General Store », un
magasin-bistro-pompe à essence des années 50 resté authentique sans bluff animé
par une serveuse dont la voix rocailleuse cadre bien avec le décor. Devant la
porte, une corvette 1960 rouge, immaculée, la voiture du patron.
Une magnifique route
sur le plateau d’Arizona nous mène à
Kingman, méandres au milieu de cette plaine immense. De temps à autre la
Camaro croise un interminable train de la ligne Santa-Fe. Il fait chaud, très
chaud. L’air conditionné lutte capote bouclée. La route redevient rectiligne.
Hackberry General Store
Une visite au très bon musée route 66 de Kingman. On replonge das l’univers de Steinbeck qui décrit cette route que nous reprenons dans le confort de notre air conditionné. Une route difficile qui grimpe et tournique au cœur d’un désert de pierres noires, végétation rase piquetée de curieux cactées. Rude et beau. La Camaro parcourt les derniers miles avant la Californie. A la sortie de A l’horizon une bande verte, le Colorado continue sa course vers le golfe de Californie au pied d’une chaîne de montagnes version américaine des Grandes Jorasses, les Needles. L’altitude diminue, la température grimpe. La 66 disparait sous l’Autoroute. Un pont sur le Colorado Bonjour la Californie.
La Californie
Steinbeck avait dit en parlant de la Californie : « … belle vallée, les vergers, les vignobles… ». Il faudra encore patienter un peu ! Ici c’est Needles, la ville la plus chaude des Etats–Unis. Pour célébrer notre arrivée il ne fait que 44 oC, demain, paraît-il, on attend 47. Devant notre air abattu, même pas le ressort pour aller faire un plongeon dans la piscine, un employé de l’hôtel nous raconte : « Il y a quelque temps, un type meurt, un hors la loi, un type sans qualité. Il arrive en enfer et croise le diable « Satan, pourrais-je avoir une couverture ? » « Avec cette température, mais tu es fou ? » « Je ne suis pas fou mais j’arrive de Needles!».
Bien confortablement
installés dans un univers bien conditionné, notre commande est ponctuée de
« Sure darling ! Yes darling »
et l’addition d’un « See you to morrow darling ».
Mais de quoi la
ville de Needles peut-elle vivre? Le plus grand employeur est le Casino de Laughlin,
les chemins de fer de Santa-Fe, la municipalité et les écoles. Pas beaucoup de
production dans ce four infernal.
De Needles à
Barstow, c’est la route du désert, le désert de Mohave qui transpire
l’angoisse, la solitude impressionnante, oppressante. On devine les crotales
qui somnolent. Désert de sable parsemé de touffe d’herbes desséchées et de
villages de mobil-homes presqu’abandonnés, routards en fin de course. Mélange
de noir de rouge et de blanc. Et ce chemin de fer qui jamais ne nous abandonne
et rappelle que finalement la vie existe sur cette planète. Les crotales jaunes
se dorent au soleil.
Goffs se meurt, 23 habitants, maisons délabrées entourées de grillages et protégées par des Webcams. Protégées de quoi ? Des coupe-jarrets continueraient-ils à battre la campagne comme au bon vieux temps de Billy the Kid ? Il est bien loin le temps où Patton entrainait des milliers d’hommes dans ce coin d’enfer surchauffé avant de les envoyer affronter l’Afrika Korps dans le désert Lybien.
les 23 habitants de Goffs
Plus loin, Amboy n’a
pas survécu à la fermeture des mines et de la 66. Le « Roy », grand
hôtel construit à la fin des années 30 gît au bord de la route regardant, résigné, au
loin, le cratère d’un volcan noirâtre, l’emblème du lieu.
Amboy - Le crater noir
Une voiture insolite
surgit de l’horizon, un roadster bricolé par deux copains qui
« font » la route 66 sur toute sa longueur. Des durs à cuire pour qui
le mot confort n’a aucun sens : demain ils seront à Santa-Monica !
Rodster en route vers Santa Monica
Pas vraiment Brenda
Pour s’imprégner de la ruée des mineurs vers l’ouest, rien de tel qu’un crochet par Galico, ville minière qui à la fin du 19ème siècle abritait 1 200 personnes, dont 500 mineurs. En plus d'un assortiment de bars , de bordels , de lieux de paris et quelques églises, la ville avait son journal , le Calico Print. Dans les années 1890, le prix de l'argent s'est effondré, et la ville désertée.
En 1951, Walter Knott, acquit la ville et a
lancé un programme de restauration selon les photographies d'époque. En 1966,
Knott donne la ville au Comté de San Bernardino.
C’est aujourd’hui un
monument historique de la Californie et est qualifiée de « Ville fantôme
officielle du silver rush ».
Les nombreux cars
indiquent que Galico fait partie du circuit classique « Californie ».
Les touristes semblent en majorité
européens.
Galico
Le Motel de Barstow sera encore une fois un modèle « historique » avec toutefois une chambre aux deux particularités, le lit est circulaire et les rideaux soyeux comme on ne peut voir qu’à Bombay. Normal, le couple qui tient le motel est Indien, pas Navajo, mais des Indes.
A Barstow, la
rénovation de la Harvey House, sauve la ville de l’ennui. Une originale combinaison d’hôtel et de gare
et qui voyait débarquer, au début du 20ème siècle, des mineurs par milliers. La voie de Santa fe, la grande
artère économique du pays est toujours là très active, un train de un mille de
long toutes les vingt minutes. Mais ici aussi, les mines ont fermé et les 8
voies de la gare de triage sont maintenant un peu surdimensionnées.
La vie survit « grâce » aux nouveaux camps d’entrainement. Tant qu’il y aura des Sadam Hussein des Bachar et autre Daesh la ville sera prospère …. ! Il faut bien accoutumer ces petits gars blonds et roses habitués à la fraîcheur de Seattle. Ici au moins il fait un 40 oC, le rêve pour affronter les déserts de Mossoul. Un peu cynique mais c’est la triste réalité.
la Harvey House
La vie survit « grâce » aux nouveaux camps d’entrainement. Tant qu’il y aura des Sadam Hussein des Bachar et autre Daesh la ville sera prospère …. ! Il faut bien accoutumer ces petits gars blonds et roses habitués à la fraîcheur de Seattle. Ici au moins il fait un 40 oC, le rêve pour affronter les déserts de Mossoul. Un peu cynique mais c’est la triste réalité.
Au Musée de la ville
« Mohave Museum », synthèse de la journée passée dans ce désert
surchauffé.
La main-street de
Barstow, la 66, le modèle de non-ville comme Holbrook ou Gallup, submergée de
pancartes publicitaires, un hymne à la gloire de la bagnole.
De temps en temps
une touche de verdure, la rivière Mohave n’est pas très loin. Mais si la
rivière est sèche en ce moment, les sous sols ont gardé en mémoire un peu
d’humidité.
Dans ce coin oublié
des Dieux, à Helendale, un original, Elmer Long , prit le parti d’en
rire. Il n’y a pas de forêt ? Alors construisons en une. De son
imagination et de son humour sortit une forêt faite de bouteilles, de panneaux
routiers, de fusils, de machines à coudre, de lustres, de caisses
enregistreuses… Dans une « clairière », le cabanon d’Elmer.
A Victorville la 66
nous abandonne à nouveau pour quelques milles, avalée par la I40 à 6 ou 8 voies
et son angoissante conduite débridée. Enfin,
à la sortie 50 c’est à nouveau le
calme de la Mother Road. Le seul inconvénient des routes secondaires aux US est
l’absence de signalisation. Et c’est ainsi que la Camaro se retrouve au bout
d’un cul-de-sac dans le parking visiteur d’un pénitencier californien, entourée
de hauts murs en béton coiffés de 3 bons mètres de sympathique barbelé (depuis
la visite du musée de Maclean nous sommes experts en barbelé). Discrète marche
arrière, demi-tour, la Camaro repart sur la pointe des pneus.
La route serpente au
milieu des collines qui ont abandonné le mode « désert » pour
commuter en mode « pinède ». Le GPS nous tire dans la ville de San
Bernardino. A gauche, à droite, Foothill bd et surgit le second village indien
de la route, un Wigwam motel beaucoup mieux entretenu que le précédent.
Wigwam Motel de San Bernardino
A San Bernardino on
ne manquerait pour rien au monde un monument de la culture du 2o ème siècle, le
premier Mac Donald. On peut vivre sans connaître la chapelle sixtine, mais pas
sans voir au moins une fois de sa vie le premier Mac-Do. Routard passe ton
chemin !
Ca sent l’écurie. La
dernière étape devant les naseaux de la Camaro.
Les Tipis du Motel
se dorent au soleil levant, c’est le moment d’appareiller. La distance jusqu’à
Santa Monica est courte, 100km, mais « challenging » : traverser
LA sans toucher une autoroute, en suivant scrupuleusement la Route 66. Quand on
sait que l’agglomération de Los Angeles occupe 60x60 km, la surface du canton
de Vaud, qu’elle est parcourue par 1000 km d’autoroutes, que la 66 n’est pas
répertoriée sur les cartes, donc pas d’informations GPS, oui, ça va être un
vrai challenge. Pendant les 4/5ème du périple tout se passe bien. La
66 prend toute une succession de noms d’emprunt : Foothill bd fait place à
Huntigton av., à laquelle succède Shamrock et Santa Anita street et puis …
La Camaro, son chauffeur ou son
assistante ont raté Sunset Bd.. Reset ! Comment rallier Santa-Monica,
l’ultime destination de la 66 ? Sortir la carte de la ville, comme au bon
vieux temps. Voilà la recette. En rajoutant une couche de mémoire, les JO de
1984, il suffisait de trouver l’Olympic Bd qui mène directement à Santa-Monica
où avait lieu les épreuves de voile. Comme nous sommes à LA, l’Olympic Bd se
déroule sur 25 km et débouche sur Ocean drive, la croisette de Santa Monica,
face à un Océan Pacifique tout calme. Les derniers 100m sont piétons. Photo des
deux héros qui se congratulent et se félicitent devant la pancarte :
Route 66 – End of
the trail.